Cette première adaptation du François Mauriac est glaciale de bout en bout, principalement au travers de l'interprétation de Emmanuelle Riva, comme étrangère à son propre corps, et de la mise en scène de Georges Franju, qui recouvre le tout d'une tonalité morne au dernier degré. C'est autant sa force que sa faiblesse, car d'un côté l'histoire de cette femme prisonnière de sa condition trouve là un support très approprié à sa décadence, mais d'un autre le visionnage se révèle hautement éprouvant au travers de sa redoutable monotonie. Largement au-dessus de la version de Claude Miller en tous cas, même si cette dernière ne m'avait pas laissé un souvenir trop dégradant.
La structure non-linéaire est perturbante dans un premier temps, mais la narration stabilise rapidement l'ensemble et compartimente l'action en deux grandes étapes : ce qui précède le procès pour tentative d'homicide, et ce qui suivra après le non-lieu dont elle a bénéficié grâce au faux témoignage de son mari. Le procès est d'ailleurs un non-événement total dans Thérèse Desqueyroux. Le film très littéraire (via la voix off omniprésente entre autres) se fait parfois un peu plombant avec son ambiance mortifère, mais le jeu de Riva aide grandement à rendre le déroulement hypnotisant, ses agissements autour des gouttes d'arsenic (on se croirait chez Hitchcock) allant de pair avec son caractère monolithique.
Le gros du contenu, c'est aussi le faux témoignage du personnage de Philippe Noiret, préférant cela à une réputation salie. Il y avait là un potentiel immense, à démontrer la vanité de la bourgeoisie provinciale, avec l'austérité absolue des intérieurs cossus animés par les domestiques, un milieu étouffant par définition. Mais bizarrement, je n'ai pas été convaincu par l'interprétation de Noiret, qui ne va pas bien avec la dimension déclamatoire et hiératique de sa femme. C'est vraiment le combat d'une séquestration contre un empoisonnement, avec des coupables à de nombreux niveaux. Peut-être que le film aurait gagné à être plus resserré, mais la libération finale en écho aux palombes du début est magnifique.
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