Tentative esthétisante, résultat anesthésiant - Journal de bord Deauville 2014
Difficile de ne pas penser, de par son choix de décors et son scénario, à un Breaking Bad « du pauvre », c’est à dire limité par la temporalité restreinte du cinéma. Non pas que Breaking Bad ait proposé un scénario diablement original, mais il a pu s’aventurer très loin, et à loisir, dans l’exploitation de son intrigue, au fil de ses épisodes et de ses 5 saisons.
En venir donc à penser que le cinéma est trop limité, alors qu’il a su, par des inventions narratives extrêmement subtiles, raconter des fresques de plusieurs années, indique clairement qu’il y a un problème dans Things people do. Visconti, John Ford, mais encore plus récemment Scorsese, ont su mettre en scène des histoires longues, avec talent ; Or, pour un scénario de ce type, vu et revu, Things people do se contente du minimum, synthétisant clichés et lieux communs attendus. Des scènes de braquage maladroites à l’excitation générée par l’illégalité, aboutissant à une brutale scène d’amour, que l’on retrouve également dans Breaking Bad, rien ne sauve ce film du déjà-vu.
Le personnage principal, homme de famille sans histoires, bien éduqué et imprégné de bonnes valeurs, n’aide pas non plus. Ni voyou, ni héros au grand cœur, il est perdu dans une sorte d’entre-deux mou et amoral, généré par une mise en scène qui brasse les longueurs comme on brasse du vent ; c’est à dire des longueurs inutiles, et ennuyeuses, puisque le réalisateur n’avait pas su mettre en condition le spectateur pour accepter ces moments de respirations, plus contemplatifs que narratifs.
On est en effet loin d’une promesse de suffocation et de dégénérescence que peut à la rigueur promettre un scénario de ce type. Quasiment tout, au contraire, se déroule sans problèmes, le héros étant gratifié d’une incroyable et absurde chance. Dans ce cas, où est la morale ? Non pas que le cinéma a la nécessité d’être moral et politiquement correct, mais le danger est plutôt esthétique. Avec sa mise en scène naturaliste, nerveuse, et assimilable par le spectateur à un dispositif réaliste (et ce, depuis l’avènement des expériences hybrides des années 2000 documentaires/fictions), intégrer alors la chance insolente relève de l’inconscience, tout comme faire croire que cette situation est possible, et réaliste, malgré les ficelles scénaristiques grossières. Toute la différence par exemple avec le Bad Lieutenant de Werner Herzog ou le Match Point de Woody Allen, qui proposaient une narration aux limites du burlesque et de la farce pour justifier leurs délires amoraux.
Il y avait pourtant une intention de la part du réalisateur. La volonté d’une véritable épuration du mal, aboutissant sans doute à la meilleure scène du film: Alors que sa famille vient de le quitter, le héros, au fond du gouffre, plonge dans sa piscine remplie de chlore, jusqu’à se brûler la peau. Il jette alors l’eau souillée dans le désert, débarrassé ainsi du mal qui le rongeait, lavé de ses crimes, baptisé comme un nouvel homme. Cette idéologie chrétienne de la rédemption et du pardon, synthétisée par une scène symbolique, est dure à avaler, tant elle comble les béances d’un scénario bien lâche, qui véhicule un happy end, alors que toute l’atmosphère du film baignait dans une plombante morosité, loin de la folie que peuvent proposer des projets contemporains similaires.