Amour & Communication en trois temps !

Three Times, trois époques, une actrice, un réalisateur. De l'aveu de producteurs le scénario devait être transcrit au cinéma par trois réalisateurs distincts qui se verraient chacun confier une époque. Il en fut autrement avec le seul Hou Hsiao Hsien aux commandes de ce film à sketchs. Et comme tout film à sketch le risque d'inégalité entre les différentes parties de l'œuvre est bel et bien présent... Ici c'est donc aussi le cas. Le pire étant que le fait que ce soit la première partie qui soit supérieur aux autres.


Mais ne vous y méprenez pas, les deux parties restantes ne manquent pas d'intérêt pour autant. Le réalisateur taiwanais décide d'ouvrir son film sur une époque qui lui est chère. Nous voici donc en 1966, période de son enfance, qu'il érige ici comme la période des amours. Une réalisation teintée de grâce, une actrice – Shu Qi – dont les nombreux sourires furtifs ne manqueront pas de nous faire tourner la tête. Une table de billard, des boules qui s'entrechoquent et se déplacent avec malice sous le joug de joueurs habitués. Une relation dans un premier temps épistolaire, née par un heureux hasard... Puis une rencontre presque aventureuse, teintée de nostalgie et de patience.


Et après cette histoire d'amour redoutablement touchante et magnifiée par une superbe esthétique, nous voici en 1911. Hou Hsio Hsien s'adapte et passe donc au film muet, aux costumes d'époque. La progression est ici plus laborieuse malgré un réel souci de cohérence. Le réalisateur s'est assez étonnamment voulu trop bavard rendant la présence d'intertitres assez lourds. L'alchimie et la passion du premier volet n'apparaissent que par intermittence.
Puis grand bond vers l'année 2005 dont certains passages ne sont pas sans nous rappeler le très bon Millenium Mambo, encore et toujours avec l'incontournable Shu Qi. Et ici le constat se fait grave et encore une fois Hou Hsiao Hsien établit un constat très noir de notre époque, après avoir préalablement glorifié la sienne. Il caricature un peu, suffisamment pour créer un climat noir et oppressant, presque morbide. Ici en 2005 l'amour se veut quasiment impossible, le lyrisme se fait absent.


Mais si le réalisateur taiwanais se permet d'établir un constat sur l'amour entre les différentes époques, il ne le fait pas sans ligne directrice, sans un fil rouge qui parcoure l'ensemble des trois segments : La place et la force de l'écriture dans la société. Si en 1911 la place de l'écriture n'était encore que restreinte, elle commençait dès lors à acquérir une certaine force qui ne cessera de s'accroitre au fil des années. L'époque décrite en 1966 correspond au parfait point d'équilibre dans cette évolution. L'écrit y a sa place, assez pour permettre le lyrisme, le contact lointain mais sans y éradiquer le contact physiques et les douceurs qui lui sont associés. En contrepartie, l'époque décrite en l'année 2005 souffre d'une overdose d'écriture qui se veut omniprésente tant dans la vie courante que dans les relations amoureuses. Graffitis dans les rues, sur les casques de motos, notices contre l'épilepsie, messages textos. L'écrit à ici une telle force qu'il se substitue au reste, envahissant l'espace, se suffisant à lui-même au point d'éradiquer le reste. Mais plus que l'écrit c'est aussi le simple visuel qui prend une place important via les photos ou encore les écrans d'ordinateurs.


Et c'est sous le couvert de cette graduation que Hou Hsiao Hsien se ballade entre les époques avec une maîtrise plus ou moins certains selon les périodes. Il en est que l'idée est présente et qu'il justifie son statut d'unique réalisateur de l'œuvre en injectant une cohérence entre les diverses époques. HHH prouve qu'il fait décidemment parti de la cours des grands. Et même si Three Times n'est probablement pas son film le plus accompli et pertinent, il reste suffisamment bien pensé et mis en scène pour en faire une belle œuvre.

Dodeo
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le 18 avr. 2012

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Dodeo

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