Le film raconte la vie de Xiao Jing, une immigrée chinoise à Singapour qui rêve de devenir actrice et qui a donc quitté son pays dans l’espoir de percer dans l’industrie cinématographique singapourienne, mais qui se retrouve à travailler à la caisse d’un vieux cinéma.
Une force de récit tout sauf proportionnelle à la complexité de sa réalisation. Tourné dans le cinéma où elle travaille à Singapour et composé littéralement de 3 ou 4 plans, la puissance du récit que la comédienne narre à la caméra réussit à porter le film durant presque sa globalité. Installée face caméra sur un tabouret dans la cabine de projections, sa voix s’étale aussi sur les autres plans où elle ne s’adresse pas à la caméra, où elle s’ennuie à son comptoir et vend parfois un ticket ou deux. Le coeur du film repose sur un bête plan fixe, au trépied, un plan moyen, durant lequel Xiao s’adresse à la caméra et raconte son émigration depuis la Chine, son rêve de devenir actrice, de jouer dans des films...
Les yeux plein d’étoiles, elle raconte et incarne l’ambition de la réussite dans le milieu des arts et du cinéma, un rêve auquel il est facile de s’identifier et un rêve qui s’égare de plus en plus pour Xiao pour qui le temps le passe et les casting n’aboutissent pas. On finit forcément par ressentir de l’empathie, on se dit même «Mais waouh, je lui en donnerais un rôle si je pouvais moi!» et c’est justement à partir de ce moment-là que l’on commence à réfléchir... c’est à ce moment-là qu’une hypothèse de mise en scène s’esquisse dans notre esprit: Xiao n’est-elle pas déjà en train de jouer sous nos yeux? Dans un genre de rôle qu’elle adorerait décrocher? Elle à qui l’on propose toujours des rôles de prostituées et de femmes délaissées, elle qui se rêve en personnage plus «fréquentable» et protagoniste d’une oeuvre. Xiao raconte tellement bien sa vie que peu à peu la frontière entre jeu, re-acting et spontanéité devient poreuse. L’ambiguïté vis-à-vis de l’honnêteté de Xiao ne nous empêche pas d’être touchés par son humilité: «Je vends des tickets de cinéma, si les gens peuvent alors aimer le cinéma autant que moi, je serai heureuse», c’est en la citant grossièrement que je résume ses propos, Xiao rédige durant quelques minutes, en freestyle ou avec la complicité du réalisateur, une lettre d’amour au cinéma. Inspirant.