Tideland par Fritz Langueur
Tideland est un film étrange, troublant et dérangeant… Rien de bien atypique dans l’œuvre de Gilliam capable des pires excès cinématographiques, rappelons nous le fatras des « Frères Grimm », comme du meilleur touchant au génie avec « Brazil » par exemple. Mais ici, bien plus que la démesure ou l’extravagance, c’est le propos même qui perturbe.
Cette tranche de vie de la petite Jeliza-Rose, filmée sur le vif et dans l’urgence nous surprend par ses moments de pur lyrisme contrastant avec l’horreur de son quotidien : déchéance des parents, adultes dégénérés, solitude, drogue, mort, violence, vice…
Ce qui l’a sauve, c’est le reflet de son incroyable personnalité qui emplit son monde imaginaire. Où les têtes de ses poupées, ses meilleures amies, se font la voix de sa conscience, l’invitant à exprimer tout haut ce qu’une enfant de cet âge est incapable d’appréhender, lui procurant une maturité hors du commun… Pour elle, les adultes ne sont pas jugeables, ils évoluent comme tel et il faut composer avec, même dans les pires extrémités…
Et Gilliam de filmer cela constamment à la limite… du sublime, de l’hystérie, de l’indécence, de l’insupportable. Et ce malaise prend l’ascendant sur des scènes souvent inspirées, d’une plastique impeccable, chargées de grâce et de panache.
A la manière d’un Lewis Caroll, sa petite Alice interprétée par la jeune prodige Jodelle Ferland, surprenante d’authenticité et de spontanéité, sombre peu à peu dans cette terre des marées au parfum amer de l’enfance perdue, comme dans un mauvais trip. Trip dont elle ne se sortira que difficilement. Et nous avec !