Ayant subit l'affront Matrix en plein dans les dents, avec le succès mondial que l'on sait, j'aurais du m'attendre à une flopée de tentatives minables d'appâter du philistin, cédant aux sirènes du Box-Office... Mais ce film je l'ai pas vu venir. Taïwanais éclectique et arty, connu du public Cannois aussi bien que des fans de Jane Austen, Ang Lee a de quoi rassurer. Je dirige mes pas vers la salle confiant, sifflotant, heureux.
[DEUX HEURES PLUS TARD]
Oh nom de Dieu, on s'est foutu d'ma gueule !? Où est Ang Lee ? Qu'on pende ce traitre !
Loin de s'approprier le vivier d'influences revendiquées, son film s'embourbe dans une vulgarisation des plus transparentes, détruit le mobilier au lieu de s'en servir, occidentalise les enjeux et dénouements de l'intrigue et surtout est chiant à crever la gueule ouverte. Sans déconner ces corps sans vie qui fendent les airs à la vitesse d'un panda roux au réveil, ça n'est pas poétique. The Bride with White Hair est poétique, Tigre et Dragon est juste pénible à regarder.
Je ressors bafoué, consterné, apoplectique. Le film aurait bien sûr pu rester dans mon esprit cette petite crotte dépourvue de passion et de talent, mais hélas, un beau jour le drame a frappé :
[DEUX MOIS PLUS TARD]
Je regardais tranquillement Il était une fois en Chine 2 dans une salle de montage quand un collègue fait irruption et regarde, au dessus de mon épaule, la scène complètement folle des tables empilées dans le temple du lotus blanc...
- Mais est-ce que tu avais vu Tigre et Dragon ?
- Euh, oui...
- C'était mieux, hein ?
J'en ai perdu un morceau de mon âme. J'ai eu beau lui dire "non, américanisation à outrance, rythme pété, etc..." le mal était fait. Cette fiente de moineau s'est durablement imposée dans la tête des gens comme un modèle du genre, non comme une invitation à la curiosité !
Par la suite, même les vrais Chinois se sont mis à lui emboiter le pas, surtout ce vieux vendu de Zhang Yimou... et entre Lust, Caution et Life of Pi, Ang Lee a vraiment foutu sa carrière aux chiottes.
[DES ANNEES ET DES ANNEES APRES]
Je sais que je le hais plus que de raison, mais je le hais quand même.