Les tares de Netflix dans son rôle de producteur ET de distributeur de films... Ça fait de la peine à voir.
Visuellement déjà, c'est très laid, avec des décors numériques de mauvaise qualité, pas du tout bien intégrés au reste, des plans d'ensemble de cités chinoises catastrophiques (on dirait des effets spéciaux d'il y a 10 ans parfois, voire de jeu vidéo pour le combat final en haut d'une tour) et des paysages affreusement artificiels. On se croirait sur Pandora par moments... La photographie est aussi extrêmement paresseuse, en se contentant de distiller cette classique "nuit bleutée parsemée de lumières orangées" durant une trop grande partie du film. Si on ajoute à cela la réminiscence des images à couper le souffle de "The Assassin" sorti un peu plus tôt cette année, on en sort presque gêné tant la comparaison est humiliante.
Les combats sont très mal filmés dans leur immense majorité (ce qui est un comble, de la part de Yuen Woo-Ping, et on mettra donc cela sur le dos du budget qu'on imagine faible et d'un montage bâclé), et sont souvent pliés en deux temps trois mouvements. Aucun rythme, aucune tension, aucune dimension épique : pas grand chose à se mettre sous la dent. Les personnages sont presque tous insipides, qu'ils soient secondaires, en repartant de l'écran aussi vite qu'ils y sont arrivés (ou en déblatérant sans conviction et sans raison des insanités comme "We don't hold this sword, this sword holds us"), ou même principaux, extrêmement superficiels, alors qu'on attendait quand même un peu plus de la présence de Michelle Yeoh et de Donnie Yen... Ils ne font pas de la figuration, mais leur présence est tout à fait anodine.
Et puis les particularités de Tigre et Dragon premier du nom, qui en faisaient tout le sel, bon ou mauvais (le style, la poésie, les combats et déplacements à grand renfort de câbles, etc.), ne sont cités ici que pour faire plaisir à un certain public nostalgique, sans les mettre pleinement à profil. Une pure formalité pour justifier le "2" placé après "Tigre et Dragon". Au final, le plus triste dans cette histoire, c'est de voir la perméabilité entre deux univers cinématographiques, ou comment une certaine logique industrielle américaine est venue polluer un cinéma originaire de l'autre bout de la planète en y introduisant une langue, un humour, et une évolution du récit (liste non-exhaustive) qui n'ont rien d'asiatique. Et ce indépendamment de la qualité : "Les Trois Royaumes" de John Woo, par exemple, qu'on apprécie ou pas l'histoire, qu'on soit réfractaire ou pas au genre "grand public", était un film profondément chinois. Ce n'est absolument pas le cas de ce "Sword of Destiny", distribué sur Netflix dans le monde entier, sorti au cinéma uniquement en Chine (alors que ce marché ne semble pas visé), et à destination d'un public tout sauf amateur de wu xia pian.
Seul point positif : on sort du film avec la furieuse envie de voir un bon film de manchot comme "La Rage du tigre" (et les autres volets de la trilogie du "Sabreur Manchot" de Chang Cheh) ou sa relecture "The Blade" signée Tsui Hark.
[Avis brut #70]