Sadomaso à Cinecitta
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Au premier épisode, la belle Tih-Minh jouée par Mary Harald (au carrefour des visages tragiques d’Orane Demazis et Dominique Laffin) est kidnappée. Une photo (« Elle est vivante ») est envoyée à son amoureux. Il appelle sa sœur pour la lui montrer : entretemps l’image s’est effacée. L’encre noire a tout bu. Raccourci frappant d’une œuvre « alchimique » où les images clignotent, friables, inscrites dans le saisissement de l’instant, cependant ressuscitées dans leur splendeur 105 ans après (restauration impec). Au-delà de la jubilation narrative (détours, suspens, flash-back romanesque ou petit retour 5 minutes en arrière), c’est la simplicité générale qui me sidère. Un grand feuilleton populaire fait avec des clopinettes, comme toutes les productions Gaumont pendant la guerre, mais poussant la mise en scène à une ingéniosité malicieuse, proprement euphorisante. Ainsi du repaire de bandits dans la montagne on ne verra que des bribes au-dehors, cailloux et marches où s’asseoir, un vrai décor étant trop onéreux. Le film en tire parti: les plans se gorgent des effets du soleil sur la canopée, le contraste lumineux se décuple, la splendeur plastique dresse aux actions un écrin naturel. De la contrainte économique (peu d’intérieurs & de personnages, quasiment pas de figuration), Feuillade fait son atout, préfigurant des questions qui feront les grands jours de la modernité - bien sûr la Nouvelle Vague. J’ai pensé aussi au TRENQUE LAUQUEN de Laura Citarella, pas seulement à cause des arabesques narratives (où les recettes du sérial croisent, depuis Ruiz, Bolano et Borges, tout un imaginaire argentin/chilien) mais à cause de l’intelligence de la production, l’artisanat qui libère, l’ancrage dans une géographie familière (puisque TIH-MINH ramène Feuillade sur les pas de son enfance en Provence).
Il y a un petit ventre mou entre les épisodes 3 et 6, mais la deuxième moitié est folle, en particulier les n° 8, 9, 10. Ce dernier contient un moment inoubliable : les notables réunis en famille font croire à leur cuisinière félonne qu’ils ont absorbé le somnifère qu’elle leur destinait. Les voici dans l’expectative, faussement assoupis dans le jardin devant leur tasse de thé, tandis que la cuisinière renifle les visages un à un pour juger, méfiante. Extraordinaire image de lutte des classes, avec ces corps bourgeois faussement asservis, inquiets tout de même, ayant compris qu’il y a des moments où faut pas trop moufter, paralysés dans un instantané où seuls bougent les arbustes, la nature qui ne fait pas semblant.
Créée
le 29 sept. 2023
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