Plein de bonnes choses dans ce film, à commencer par le sujet évidement, il faut du courage dans ce contexte pour s'y attaquer sans tomber dans la dictature de l'émotion, et aussi la photographie. Je pense à ces scènes magnifiques au bord de la rivière et surtout à celle qui s'étire en plan fixe dans le soir alors que le moment pivot du film s'achève... Extraordinaire. Il y aussi cette image de la tente dans la nuit, vue du dessus, qui rougeoie mais qui n'est déjà plus qu'un abri factice qui ne rougeoiera plus jamais de la même façon ; toujours pas de réseau en haut de la dune, les chèvres sont endormies et pas de nouvelles du père aimant qui ce matin encore nous tenait dans ses bras. Le réalisateur a une façon très humaniste d'aborder ses personnages tout en contradictions, souvent par une petite pirouette gentiment humoristique. Les uns ont des armes mais ne savent pas pourquoi, il faut provoquer l'infraction à la Charia pour se sentir utile et conforté dans ses convictions, car la conviction d'agir justement n'est pas une évidence (cf. la scène où l'ex chanteur de rap ne trouve pas les mots face à la caméra, ou la venue dans la mosquée armés et en chaussures) ; les autres ont la musique, le football, le travail avec ses mains nues quand on est une femme, qu'ils pratiquent parce qu'ils le doivent, parce qu'ils en ont envie et que cela n'est point profanation à leurs yeux, c'est une façon de célébrer la vie ou de vivre tout court, et pourtant en agissant ainsi ils savent la menace qui pèse, bien réelle au-dessus de leur tête, et ils savent que si elle trouve leur cou, elle tombera de façon extrêmement violente, et ça peut être à tout moment (ce morceau de lapidation était insupportable). Vivre dans la peur ou vivre tout court ? Un combat à mener tous les jours.
Par contre quelques reproches : la multiplication des petites intrigues (le mariage forcé) comme une tentative de ne rien laisser de côté - se concentrer sur l'intrigue principale aurait suffit ; un côté un peu tire-larme, mélo-dramatique, avec la répétition de la même tristesse par le père, traduite, retraduite etc. ; et enfin ce personnage de la sorcière bizarre qui semble planer si haut mais dont je n'ai pas vraiment compris le lien avec le reste ni l'intérêt, le personnage éloigné de la prophétesse ne cadre pas avec l'ambition de ce film, en tout cas c'est l'impression que ça m'a donné.
Cela reste néanmoins un excellent moment de cinéma, qui permet de saisir un peu ce qu'est le quotidien de personnes chez qui les djihadistes sont arrivés et chez qui ils ont imposé la loi islamique par la terreur...
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