Tsui a plus d'une corde à son... non je ne ferai pas un titre aussi nase.
Hier soir, j'ai eu envie de me défouler un peu avec un truc bien pêchu, alors j'ai fouiné dans mes Tsui Hark, et j'me suis réenfilé ce bon Time and Tide.
Encore une fois, c'était la jubilation. C'est effréné, c'est fou, c'est du funambule de haut vol entre le bordélique au possible et le furieusement maîtrisé. Et c'est ce moment où t'as juste envie de le partager avec un pote de ton entourage dont les seules références de polar/action sont comprises entre Die Hard 4 et Taken... et que tu renonces en te contentant, résigné, de répondre à l'éventuelle question "C'est qui Hark ?" par "Euh... le type qui a réalisé Double Team.." avant d'aller pleurer dans un coin sombre.
"Double Team"... j'étais encore jeune et innocent à l'époque, mais nul doute que si déjà, je m'étais intéressé au réalisateur du film plus qu'au fait qu'on y voit Van Damme taper sur Mickey Rourke, je me serais dis que c'était bien la fin de Tsui Hark. Seulement en 1997, je n'aurais jamais voulu croire que le réalisateur de ma VHS de Zu était derrière ce truc, et ce n'est que très récemment que j'ai pris conscience de cet étrange détour de carrière.
En 2001, par contre, je faisais déjà plus attention à l'auteur des oeuvres que je découvrais avec avidité, et c'est donc sans grande crainte et avec un simple désir alléché que je me plongeait dans Time and Tide. C'était bien du Tsui Hark. Déchaîne, défoulatoire, un film en cascade, une mitrailleuse de plans comme si le réal n'avait pas assez de pellicule pour carrer toutes ses idées, déboulant par pelletées entières comme des poignées de gravats en pleine poire. J'étais dans l'habitude de celui que je retrouvais sur mes bonnes vieilles VHS et encore une fois totalement dépaysé tant on ne sais jamais trop à quoi s'attendre avec ce type à l'inventivité extatique (j'avais envie de placer ce mot).
Tsui Hark revenu de ses aléas hollywoodiens, entre dans un scénario on ne peut plus classique pour qui est relativement habitué aux polars hong-kongais, quelque chose de vu et revu, à la trame d'une simplicité essorée. Mais c'est Tsui Hark, et sur cette double histoire, il bâtit son terrain de jeu, parfois sombre, parfois tendrement comique, bourrinant l'écran à coups de lueurs d'esprit affluant en saccades et se bousculant sur l'objectif pour toutes avoir leur place sur le métrage. Hark maîtrise son sujet par des choix artistiques absolument nickels (oui on oublie l'explosion en images de synthèse digne d'un The Asylum, honnêtement on s'en branle), adaptant son jeu de l'éclairage et sa panoplie de teintes pour échafauder des ambiances tantôt suffocantes, tantôt haletantes, entre terriers glauques calfeutrés dans la crasse et gun-fights déments orchestrés dans les hauteurs vertigineuses d'immeubles peuplés de colonies de pigeons, la caméra folle, restant en tout instant absolument imprévisible, se faisant un plaisir savoureux de vous empoigner par le col pour vous propulser dans le délire ambiant.
Un film qui se redécouvre à chaque fois, qui se relit et, si besoin est de se défouler un peu ou de prendre une mandale esthétique placardante, se vit à nouveau de manière toujours aussi jouissive. Un film que j'aimerais bien partager autour de moi... mais faute de mieux, je clame mon amour à Hark en ce lieu de perdition...