Ce film indépendant, couvert de récompenses de bon aloi dans divers festivals d'un aloi probablement tout aussi bon, raconte l'histoire de trois jeunes qui découvrent, dans l'appartement en face de chez eux, une machine qui permet de photographier le futur. Une machine à l'abandon depuis la mort de son propriétaire et inventeur. Evidemment, grisés par les perspectives que cela offre, ils vont s'en servir pour devenir riches. Le kéké parieur va pouvoir prédire les résultats des courses et le peintre trouver l'inspiration.
Des couleurs oscillant entre le vert, le noir et le marron, une musique pesante et minimaliste... L'ambiance est très lourde dans ce film. Une lourdeur d'autant plus renforcée par la présence de l'immense appareil photo dans l'appartement d'en face, fixé sur le salon des jeunes.On ressent toujours la présence hors-champ menaçante de cette machine tout au long du film, l'essentiel de l'action se déroulant dans la même pièce. Les quelques plans sur l'objectif de cet immense appareil photo steam-punk rappellent d'ailleurs le regard porté sur HAL dans 2001 l'odyssée de l'espace. La découverte au début du film du corps du vieil homme qui a inventé la machine, qui aurait brûlé pour avoir modifié le cours du temps, renforce également l'idée qu'il faut absolument correspondre à la photo qui sort de la machine pour ne pas connaître une fin douloureuse. Ce qui fait qu'on est confronté, tout au long du film, au sentiment d'une menace invisible, latente et inéluctable, ce qui crée un sentiment d'inconfort plutôt bien réussi.
Le film délivre un discours classique, mais plutôt bien maîtrisé, sur le destin, la maîtrise de nos vies et la possibilité de changer les choses. Au début enivrés par la gloire et l'argent, ils sont ensuite contraints par un bookmaker de respecter les photos pour lui permettre de gagner de l'argent. Mais au final, on se rend compte que les protagonistes s'enferment eux même dans leur destin.
Ils tuent le bookmaker, découvrent en fait que le scientifique n'est pas mort brûlé pour avoir changé le cours du temps. Mais les personnages continuent tout de même à vouloir respecter maladivement ce que demande la machine, et sont au final plutôt prisonniers de leurs propres choix. Ils en viennent quand même à tuer pour coller aux photos quoi. En tout cas c'est mon analyse du film.
Bon, en revanche, le film n'est pas exempt de défauts. A mon sens, le principal d'entre eux vient des personnages, qui ne sont pas du tout attachants, et même souvent énervants et à la limite du téléfilm du dimanche soir. Le peintre est un peu terne (1). Ce n'est pas l'acteur, le personnage est présenté et écrit comme ça, mais c'est pas top. Et c'est le moins pire, puisque le parieur est un espèce de connard qui se comporte comme tel d'un bout à l'autre du film, et on se demande comment il peut être ami avec les autres protagonistes. La fille est un personnage de fille de film ultra cliché, qui fait le ménage et la bouffe pour les deux mecs, et qui évidemment veut pécho les deux mecs. Elle a un développement intéressant à la fin du film, mais ça ne l'empêchera pas de rejoindre la poubelle des personnages de films trop clichés.
Le bookmaker est ridicule et en fait trop, et le personnage de l'agent de sécurité est ultra-bateau. Eux aussi, poubelle. Tous ces braves gens auraient gagné à avoir plus de profondeur, et cela aurait peut être donné à l'éventualité de leur mort un enjeu plus important. Parce que là, ils peuvent crever, on s'en fiche.
Mais en dehors de ces défauts, Time Lapse reste un bon film, avec une écriture solide, malgré un certain classicisme, on trouve quand même des plans très bien foutus, et la qualité du métrage est d'autant plus appréciable que le budget du film ne devait pas être très important. J'attends de voir ce que nous proposera le réalisateur par la suite, mais ça promet d'être assez intéressant.
(1) : Pour un peintre il manque un peu de couleur.