Jean-Claude Missiaen n'a sûrement pas la carrure et les épaules d'un William Friedkin lorsqu'il est question de dépeindre sans retenue une ville en proie à la violence et aux débordements. Il partage peut-être avec ses voisins transalpins (Umberto Lenzi, Sergio Martino...) la même vision de la violence et de la représentation grotesque qu'elle peut avoir à l'écran le temps de quelques séquences stéréotypées avec les trois loubards.
Magnifiquement photographié par Pierre-William Glenn, Tir Groupé n'a malheureusement pas tenu toutes ses promesses sur le papier qui auraient pu faire de lui un grand film désenchanté. Le scénario est trop maigre et dirigiste pour être subtil : Antoine décide de mener son enquête tout seul, en parallèle à celle de l'inspecteur Gagnon, pour retrouver les salauds qui ont tabassé à mort Carine, son seul et unique amour, dans une rame de train de banlieue en pleine nuit. Ponctué de retours en arrière sur les étals du marché de Saint-Ouen ou dans la piaule hippie d'Antoine, le récit aura bien du mal à trouver du rythme et à maintenir une tension, il faut dire que les lascars de Pigalle ne font plus très peur avec leur dégaine de punks à chiens et le trois criminels font plus figures de nihilistes retranchés que de réelles crapules.
Néanmoins, un véritable charme opère en voyant la capitale dans son jus d'époque et la naissance discrète mais bien réelle d'une violence sociale qui gangrène encore aujourd'hui les banlieues de France, une scène de baiser à la Lelouch en face du Centre Pompidou dans une atmosphère parisienne chic et irrésistible laissera rapidement place aux couloirs glauques du RER et aux wagons mal famés.
Le caractère néo-noir de Tir Groupé a donc un certain mérite, tout comme la radicalité dans son traitement bad ass et nihiliste avec une fétichisation impeccable du gun : personnage central du film, ange de mort et de vengeance, l'arme est centrale. Le cheminement vers la vengeance n'est pas spécialement original (achat d'arme à feu en douce, tirs sur cible dans une casse, filature) et semble être calqué sur un modèle américain et italien des seventies. Reste que Gérard Lanvin n'est pas particulièrement crédible dans la peau de l'être vengeur, la faute sans doute à une direction d'acteurs médiocre. Il sait être le parfait titi parisien, l'amoureux des grands jours, l'humble serviteur, mais son personnage manque d'ampleur dramatique et de rage contenue. Sa seule montée en puissance n'aura droit qu'à un arrêt sur image frustrant, si près du but, de l'exaltation.
Dotée de quelques séquences aujourd'hui flirtant avec le ridicule, avec le regard d'aujourd'hui Tir Groupé fait figure de pièce de musée. Une tentative pour son cinéaste de signer un premier film doté de solides arguments sur le papier et de gueules marquantes, mais qui ne sera pas allé jusqu'au bout dans l'expression du sentiment de vengeance. Le cinéma d'exploitation américain et italien des seventies a pourtant parcouru le genre avec plus de sécheresse et de courage, le film de Missiaen préfère plutôt jouer sur le fil du romantisme suranné et d'en faire le réel argument de vengeance, dans un environnement parisien bouffé petit à petit par la gangrène.