Ah l'exercice du deuxième film! Cannes en raffole, la vilaine Plèbe cinéphile aussi. Une fourche empaleuse à trois entrées de gamme, une pâte d'Oie en pleine saison de la sorcière, les obsessions vont -elles s'épaissir, se désépaissir comme bonne blanche au croisement de la carte vitale, ou bien s'enraciner en gimmicks superficiels et acquis? Et bien pendant que Julia Ducournau ne s'assoit pas sur ses lauriers moi je m'assois sur ma crucifixion préméditée et j'ai mal au cul. J'ai aimé ce que j'ai vu, après « Grave » et ses démonstrations bancales de fétichisme de la chaire Juju aujourd'hui nous PARLE de fétichismes et même de fétichisation, sujet s'acoquinant très bien avec les débats actuels sexualisant d'épaisseur de formes et de couleurs (mais pas de nuances). Tout ce qui patine la pellicule doit s'y trouver beau et sexuel, des difformités chromées d'Electrolux Arthur Martine, à l'androgynie poussée, l'Oedipe mal soigné (problématique paternelle déjà présente dans "Grave" affirmée ici par l'intersection qu'elle crée avec la paraphilie et l'absence), en passant par la séquestration cérébrale auprès d'un gros daddy stéroïdé et la Tomboy enceinte. Pluri-déviances extatiques incarnées à merveille par notre actrice principale, Agathe Rousselle qui écrase une Garance Marillier ici dans un second rôle dramatiquement interprété. Mention spéciale également à Myriem Akhediou, ici la maman , trapue et incisive jumelle maléfique de Julie Depardieu mais qui jouerait bien.
Pas parfait, bon client pour la palabre et l'extrapolation, inégal, mais o combien plus maitrisé que "Grave", dans "Titane" tout débute par une gamine monstrueuse qui à l'arrière du carrosse de papa excédé file droit vers sa fatalité de mutant émotionnel. Bim bam boum un carton dans la simca 1000, papa porteur de culpabilité perd cher chez Axa, charcuterie boucherie graphique et voilà notre monstre déjà froid et dénué d'humanité porteur d'un cuisant obus occipital qui viendra trahir sa monstrueusité intérieure tout au long du film. Un baiser affectueux sur une carrosserie luisante, un viol de pare brise pendant un lap danse de salon de l'auto et une levrette avec "Christine". Nous voilà introduits, Titane est un personnage intéressant mais peut- être un peu trop fan de Hajime Sorayama (sisi, les tableaux de robots érotiques), de "Rage" de "Crash" et de tonton Cronenberg, et là, j'ai peur. Il vas falloir que quelque chose transcende ce copycat et cette métaphore triviale, d'autant plus que je m'aperçois que cette première partie de film auréolée des meurtres en série (et de série B) de Titane se raccorde assez mal avec la seconde partie (qui passe en duo d'acteurs avec Vincent Lindon) comme si elle avait été tournée dans une autre temporalité et mal été fluidifiée au montage. Mais surprise la transformation de la psychologie de notre personnage s'opère, la pilule glisse et à contrepied des artifices habituels: le propos se sert et se légitimise presque complètement par son esthétique. Et ce propos c'est le vide du Monstre qui finit par accoucher de la Vie en faisant la rencontre des émotions par le biais de ce père massif et obstiné qu'elle n'a pas envie de détruire mais pour lequel elle va créer comme lui se crée un rejeton . Car en effet Titane est une tueuse, elle aime blesser ce qui l'aime et ce qui l'aime mal, les hommes, les femmes les badauds impolis; et termine en cavale après la fuite d'une témoin à ses perforations archaïques pendant une orgie mondaine. Détachée, et engrossée plus tôt par une torride sans plomb 95, elle décide de se mutiler pour emprunter l'identité d'un jeune garçon disparu l'année de ses 5 ans. Que viendra très vite identifier -visiblement après une cataracte ratée- son gris père. S'ensuit alors un apprivoisement bestial et déviant des deux marginaux se complaisant tous les deux dans la recherche d'un plombage à leur coeur amputé. A travers, tout en tension, la DANSE. D'abord une reprise de scène de danse tarantinesque (sur d'ailleurs une variante de "About her" de Malcolm McLaren dans "Kill Bill 2") où père et « fils » se frappent et se désirent puis une complainte érotique dans la caserne de Vincent Lindon, qui surprend son fiston à s'exhiber pendant un bizutage festif devant alors ses élèves. Enfin, c'est la communion des corps et des désirs, Titane accouche dans un dernier souffle de son rejeton rouillé, offrande complète à une paternité contrariée.