"Pousse fort Adrien ! Hé Macarena !" le jour où Vincent est passé de plus pénible à meilleur acteur

La notion d'expérience est un peu creuse et galvaudée (modestement par rapport à 'cinéma de genre') mais parfaitement appropriée dans le cas de Titane. Ce n'est pas nécessairement un bon film or pour l'attaquer comme pour le soutenir la tâche est difficile. C'est par contre à voir impérativement pour tous ceux qui cherchent l'originalité, l'outrance et l'intensité, spécialement en explorant les cinémas de la marge et du bis (et la confirmation après Grave que Ducournau est à suivre, car même si elle ne devait pas convaincre elle saura probablement impressionner).


Prolongeant les premiers retours et la presse évoquant Cronenberg puis particulièrement Crash, les cinéphiles abondent en citations, se réfèrent naturellement à Christine de Carpenter, à Winding Refn pour les scènes de pulsions violacées ou à Tsukamoto (Tetsuo, Bullet Ballet) pour ceux plus alertes ou réceptifs aux tentations transhumanistes. Une autre référence s'est imposée à moi : Henenlotter et ses farces lubriques comme Elmer ou Bad Biology. J'ai vu en Titane une fantaisie horrifique brutale et imprévisible, jouant à plusieurs degrés pour livrer, selon l'envie du spectateur, une comédie acide, un film d'exploitation et de suspense dans un univers LGBT ou un drame pathétique d'un ton inhabituel ; dans tous les cas le grotesque règne.


Mais ce qui fait de Titane une expérience à vivre [avant d'être évalué comme (plutôt) une réussite], c'est la présence de Vincent Lindon (surtout avec la connaissance de l'aura de l'homme et acteur, moins dans l'absolu). Quand il débarque dans ces lieux de sauvage étrangeté, c'est encore dans sa peau d'abîmé au grand cœur – les stéroïdes n'y changent rien, le tirent plutôt vers Patrick Sébastien. Le contraste entre son désespoir et celui de la psychopathe Alexia relance constamment la machine et apporte un semblant de légitimité à cette irréalité ; il faut une capacité de déni, de bienveillance et d'inflation de l'ego de cette trempe pour faire tenir un tel mirage – sans quoi, passé la foire gore, on s'en irait vers du plus trivial, du Rob Zombie (31, Devil's Rejects) ou vers l'ennui.


Les scènes de danse, ennuyeuses à mes yeux (sauf celle, tant elle est grossière, du salon tuning), pourront plaire aux fétichistes de poses lascives et d'extases de drogués non-démolis. La façon dont le message est martelé dans ces moments devient un brin malaisante et la dernière danse pourrait rater son coup, en omettant que, tout simplement, ce qui reste d'Alexia, quelque soit les attentes ou la libido du public, est proche de la viande avariée. Si c'est par empathie que vous êtes alors en train de vous réjouir, sachez qu'au préalable vous allez souffrir – si l'inhumanité d'Alexia vous a rendu plus froid, alors il n'y aura que des sensations fortes pour égayer une séance décadente – Benedetta de Verhoeven donne davantage la nausée, autrement dit des besoins de vomi tournés vers l'intérieur. Enfin si vous n'êtes pas un ergoteur progressiste, un fondamentaliste ou un complotiste bio il n'y a aucune raison d'intellectualiser ce que vous aurez vu.


https://zogarok.wordpress.com/2021/07/17/19456/

Zogarok

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