Je crois que je n'ai jamais lu autant de morceaux de critiques qu'avant de découvrir Titane le second film de Julia Ducournau. Effectivement, l'une des choses qui revenait assez souvent parmi tout ce que j'ai pu lire (enfin commencer à lire) est un avertissement invitant le spectateur à découvrir Titane sans rien en connaître ou du moins le minimum possible afin de se laisser embarquer, surprendre et bousculer par ce curieux long métrage. A mon tour je vais reprendre ce précieux conseil et du coup je souhaite au revoir à celles et ceux qui achèveront la lecture de cette critique ici (merci d'être venus) et pour les autres qui vont rester je vous souhaite la bienvenu, j'ai encore deux trois trucs à vous dire.


Palme d'or à Cannes et mini scandale sur la croisette, le second film de la réalisatrice de Grave s'est offert une jolie couverture médiatique avant sa sortie en salles. Difficile de résumer vraiment l'histoire du film qui prend justement un malin plaisir à embarquer le spectateur dans divers univers qui vont de l'horreur viscérale au drame intimiste à travers le parcours de son héroïne Alexia.


Titane est un film assez unique en son genre et il offre une expérience qui de toute évidence laissera plus d'un spectateur dans l'expectative et le doute. Titane est un film mutant, une œuvre libre et hybride qui va prendre un malin plaisir à bousculer les attentes du spectateur le faisant passer par de nombreux ressentis parfois contradictoires. Telle une Hydre, Titane est un monstre à plusieurs têtes qui continue à rester vivant chaque fois que l'une d'entre elle semble être tranchée dans le vif donnant au corps de la bête une nouvelle dimension. Le second film de Julia Ducournau conjugue à merveille le fond et la forme car Titane traite justement beaucoup du corps et de tout ce qui est propre à le modifier, le modeler et le transformer. La réalisatrice souhaitait que son film soit une expérience physique et sensitive et il est exactement question de ça dans Titane, de tout ce qui impacte le corps pour modifier l'être en profondeur. Les corps sont ici exposés comme des modèles de virilité ou exhiber en guise de féminité, mais le corps est aussi parfois martyrisé, modelé par la contrainte comme lorsque Alexia entame sa mutation en garçon , il et dopé aux stéroïdes pour le personnage de Vincent (Vincent Lindon) et on le modifie en y implantant dans sa chair une plaque de titane ou des piercings. Le corps devient un objet de fascination, de dégout, de séduction, de danger, d'expérimentation ou de transgression et absolument tout ce qu'il subit modifie au final l'être en profondeur. La mutation et l'hybridation étant les deux grandes autres thématiques d'un film lui même hybride dans les différents genres qu'il aborde et mutant pour ce qu'il représente dans son entièreté. Tout semble toujours en mouvement et en mutation dans Titane, les êtres tout comme les événements et les sentiments à l'image de la troublante relation entre Vincent et Alexia entre domination psychologique, tendresse, amour filiale limite incestueux et passion dévorante. Les corps aussi sont en mutation permanente que ce soit par l'androgynie d'Alexia mais aussi les pulsions de mort (la vieillesse de Vincent) et de vie (la grossesse de Alexia) avec encore une fois cette idée que tout ce qui impacte le corps modèle l'esprit. L'objet cinématographique Titane semble fonctionner ainsi il bouscule le spectateur, toutes proportions gardées il le modèle physiquement (rire, se crisper, être mal à l'aise sont des réactions physiques) , il bouscule le cortex pour semer les graines de son insidieuse aura maladive. Et lorsque viendra la fin du film, selon que l'émotion vous tenaille, que l'ennui vous assaille ou que le rire moqueur vous titille vous saurez si l'objet Titane est parvenu à s'imprégner en vous comme une plaque vissé sur votre cerveau et un impact sur le cœur ou s'il reste un objet hermétique, vain et prétentieux. Personnellement, et sans vraiment l'avoir vu venir j'ai ressenti une authentique et très belle émotion dans ce final qui fait (re)naître l'amour du chaos, qui fait rejaillir l'espoir sur ses êtres cabossés et fracassés et qui bouscule nos certitudes pour célébrer l'immuable beauté de la vie et son renouveau.


Titane est parvenu à m'embarquer dans son univers et Julia Ducournau signe à mon avis un très grand film dont elle maîtrise parfaitement toutes les disparates strates de sa construction. De la virtuosité un peu clinquante et tape à l'œil d'un premier plan séquence jusqu'à une forme plus pausée et intimiste de mise en scène, la réalisatrice réussit tout ce qu'elle entreprend parvenant même à faire passer quelques ruptures de ton kamikaze comme lors d'une série de meurtres très froide qui vire à la comédie. On sent un vrai désir de mise en scène chez Julia Ducournau, une véritable envie de créer des images fortes, des sensations prégnantes, des atmosphères qui impactent autant la rétine que le cortex et le cœur. Il faut aussi saluer le très joli travail du directeur de la photographie Ruben Impens (Habitué des films de Felix Van Groeningen) qui livre ici un bel exercice de styles, hybrides forcément, passant d'une clinquante photographie colorée à des teintes plus naturalistes et intimistes sans pour autant rompre à la cohérence globale du film . Et puis forcément comment ne pas parler des deux interprètes principaux du film avec la performance très physique (forcément) et impressionnante de Agathe Rousselle qui débute donc au cinéma de manière assez fracassante et du toujours formidable Vincent Lindon dans ce rôle émouvant de père complétement perdu. Agathe Rousselle est vraiment formidable dans le rôle double et trouble de Alexia et du fils perdu/retrouvé ; objet de tous les dangers et de tous les fantasmes la femme incendiaire et impudique qui danse lascivement sur les capot d'une Cadillac en flammes finira par contraindre et cacher sa féminité pour se fondre dans la virilité ambiante d'une caserne de pompier. La jeune comédienne offre une très belle double performance entre la femme fatale et le fils perdu , entre l'exubérance des apparats externes et la profonde émotion des bouleversement internes. Vincent Lindon lui aussi jouera de son physique pour incarner ce pompier dont le corps pourtant booster à coups de piqures accuse le poids des années mais il incarne surtout un père de famille paumé et suicidaire prêt à tout pour retrouver l'amour et la tendresse de ce fils perdu. La rencontre entre cette fille en manque de père et de repaires et de ce père en manque de tendresse ne pouvait que déboucher sur une trouble, intense et incandescente relation. Au détour d'un dialogue du film on entend "Tout fait mal quand on tire dessus" et dans Titane il en sera ainsi des corps comme des sentiments.


Titane est pour moi une formidable réussite ; libre, hybride, mutant et corrosif le cinéma de Julia Ducournau propose une véritable expérience de cinéma qui forcément ne plaira pas à tous mais qui offrira un film intense à celles et ceux qui seront embarqué par sont univers. Dans cet indescriptible fracas de corps en mutations, dans ce bordel d'êtres froissés, cabossés, détruits il reste cette certitude touchante que la vie et l'espoir trouveront toujours le chemin au milieu du chaos ( Confusion générale des éléments de la matière ).

Créée

le 18 sept. 2021

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Freddy K

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