Titus est une adaptation cinématographique de la pièce Titus Andronicus, écrite par Shakespeare. Si l'œuvre originale s'inscrit apparemment dans le registre de la tragédie, pour le peu que j'en sache puisque je n'en suis pas familier, cette adaptation lorgne davantage du côté de la comédie sanglante.
La scène d'ouverture intrigante et chaotique résume en quelque sorte le film. On est d'emblée surpris par le parti pris de la direction artistique qui brouille le cadre historique. On s'attend à se retrouver plongé en plein empire romain et on voit un gosse avec un sac en papier sur la tête jouant avec ses figurines en plastique dans un bordel monstre qu'on imagine cathartique. Remplacez les figurines par les personnages du film et Titus, c'est un peu ça. L'introduction se poursuit par une chorégraphie précise en synchronisation avec la musique orchestrale. Le film de Taymor pousse aussi du côté du spectacle.
Par ailleurs, ce brouillage historique est visible de nouveau à travers la présence de tanks, de motos dont l'avant arbore une tête de loup, rappelant le mythe fondateur de Rome, celui de Rémus et Romulus, jumeaux recueillis par une louve. Ces ajouts évoquent une certaine imagerie fasciste, comme si la Rome impériale avait perduré jusqu'à nos jours et en avait conservé les symboles. Le film continue sur cette lancée et on croise ainsi des voitures, des bornes d'arcade, des journaux, des micros surmontés du logo SPQR News... Ce procédé témoigne sans doute d'une volonté de montrer que le récit en question est atemporel sinon intemporel à la manière de certaines oeuvres de science-fiction ou de fantasy. Ce décalage historique se voit également sur les costumes, richement travaillés. Titus présente aussi quelques scènes très graphiques qui ravissent les yeux.
Je disais plus haut que le genre du film s'apparentait à une comédie sanglante. Une des raisons pour lesquelles c'est le cas réside dans le comportement des personnages. En effet, bien qu'on assiste durant le récit à un spectacle d'horreur à base de meurtres, de viol, de cannibalisme et de mutilations, la façon grotesque, exagérée et cartoonesque dont sont peints les multiples protagonistes transmute le drame des situations en comédie noire. L'exemple le plus notable étant la scène où, Titus (incarné par Anthony Hopkins), grimé en cuisinier, tablier et toque bien en place, sert le dîner à la cour de l'empereur. Une simple tourte à la viande, à cette exception que la viande en question provient de Chiron et Demetrius, les deux fils restants de Tamora, alors épouse de l'empereur engagée dans un cycle de violence avec Titus. La vengeance est parfois un plat qui se mange chaud et bien apprêté.
Si le film fonctionne bien lorsqu'il est comique, c'est lorsqu'il essaye d'être dramatique que le bât blesse, et la musique ne parvient pas à nous dégager du grotesque ambiant. Le caractère dramatique des évènements étant atténué par la dimension bouffonne des personnages qui leur confère peu de crédibilité humaine, ce qui a provoqué chez moi un sentiment de discordance tonale (peut-être volontaire ?) lors de certaines scènes où l'on perçoit une intention dramatique ou tragique.
Comme je l'ai écrit plus haut, Titus se résume un peu dans sa scène d'introduction. C'est un spectacle chaotique, flamboyant et grotesque qui nous laisse titubant. Si l'on ne s'attend pas à une stricte tragédie et que l'on parvient à embrasser le chaos du film, on passe alors un bon moment.