“Ils te montrent la lune et tu regardes le doigt.” Proverbe foulfouldé (Afrique de l'Ouest)

Je pense que c'est le film le plus poétique que j'ai jamais vu. Ce film est une œuvre expérimentale, qui effectue une tentative d'Art Total en mêlant cinéma (rushs originaux comme extraits de films), musique (entre piano impressionniste et planant spatial), photographie, poésie et même littérature avec ce chapitrage aux titres précis. Tous au service d'un sujet principal : la Lune. On pourrait croire qu'on s'ennuierait ; mais le montage, particulièrement audacieux et acrobatique, et pourtant cohérent, parvient à s'en servir pour glisser des thèmes universels comme la naissance, l'amour, la mort ou l'Art. Et finalement, loin de s'ennuyer, le film apaise profondément. Et reste profondément.
Il reste profondément parce qu'il s'imprègne d'une atmosphère totalement lunaire, en apesanteur, où tout glisse au lieu de transiter. Il nous invite à la manipulation, et à Regarder, plutôt qu'à réfléchir sur la manière dont on sera invités à regarder, comme on peut le faire avec des films plus traditionnels. Il reste profondément aussi parce que, malgré son caractère inaccessible car se libérant volontiers du réflexe du spectateur de chercher à cerner où les artistes derrière veulent en venir, si tant est qu'on se sent interpellés, on ressent le besoin de garder ce film auprès de soi. Dans les moments où on se sent seul au monde, "To The Moon" a ce quelque chose de réconfortant, de solidaire unique, qui nous rappelle qu'on voit encore le ciel et que tant qu'il sera là, la Beauté peut surgir à nouveau à tout instant. Il invite aux Miracles. Et c'est aussi pour cela qu'il est unique, et un bel exemple de tentative d'Art Total réussi.