La série Sukeban Deka de Shinji Wada (1976-1982) n’a pas eu les honneurs d’une parution chez nous. Mais elle est assez reconnue au Japon où elle a été déclinée en de nombreux produits dérivés,et notamment en séries TV et en films dans les années 1980.


Pour son retour en 2006, c’est Kenta Fukarusu, fils du réalisateur Kinji Fukasaku, qui en assure la reprise, fidèle aux autres incarnations mais dans un style moderne, bien qu’un peu bancal.


Comme d’autres incarnations précédentes, cette Saki Akamiya est une couverture, attribuée par les forces spéciales à une jeune délinquante au fort caractère et aux prouesses martiales évidentes. C’est une petite teigne, intégrée dans un lycée pour découvrir les secrets d’un site web étrange en lien avec des attentats. Elle reçoit un uniforme scolaire noir mais aussi un yoyo de combat. Elle ne baissera pas les yeux, et encore moins les fermer devant des tortionnaires juvéniles qui s’en prennent notamment à une maladroite tête de turc.


Tokyo Girl Cop possède certaines qualités, mais son scénario n’en fait pas partie. Il intrigue, le site internet rassemble victimes et laissés pour compte, un secret semble se cacher que l’établissement scolaire a protégé, on ne sait trop comment. La critique du harcèlement scolaire est présente, bien qu’un peu grossière. Mais cette révolte des faibles est manipulée, tandis que les principaux personnages impliqués n’ont pas l’épaisseur que le scénario veut leur attribuer. La découverte de Roméo, impliqué dans ce site web, captive car son identité n’est pas encore dévoiléee. Sa rencontre avec Saki dans le bus offre un beau moment assez électrique. Mais le personnage sera plus tard appauvri, comme d’autres.


Le tout est rapidement confus dès le milieu du film, les motivations des uns sont escamotées, les objectifs des autres n’ont plus de sens. Pour ne rien faciliter, il est bien difficile de suivre quand un film traverse un tel long tunnel d’ennui, quand il nous détaille un peu plus ce qu’il en est : c’est long, ça manque de sens, un bâillement et il faut se faire violence pour revenir dans le fil(m). C’est d’ailleurs dans les scènes les plus à l’intensité sèche ou les plus riches en pugilats que la fatigue se dissipe. Les affrontements sont nerveux et bien présentés, les coups ne font pas dans la dentelle, même si c’est pour de faux, et surtout s’ils sont portés par Saki.


Car, et heureusement pour nous, cette Saki Akamiya sauve le film, et le tient même sur ses épaules féminines mais je n’y laisserais pas ma main dessus, elle pourrait me la tordre. L’héroïne est rugueuse, elle a du tempérament, un peu sauvage mais malgré tout empathique et elle sait utiliser ses poings et ses pieds. C’est une femme d’action plutôt que de mots, d’ailleurs elle en utilisera peu.


Aya Matsuura offre au film une héroïne captivante, ce qui est d’autant plus surprenante pour une idole japonaise, très populaire au Japon, membre du renommé Hello ! Project , ses disques se vendant alors très bien. Mais ce rôle est aussi pour elle l’occasion de changer de registre, la même année elle avait fait évoluer son registre musical pour s’éloigner des titres trop colorés du répertoire habituel de ce genre de profession. Elle est en tout cas très impliquée dans le rôle, peu amène en civil, bondissante dès qu’il faut se frotter à ceux qui méritent une déculottée.


Le film ne fait d’ailleurs que reprendre une des traditions des séries des années 1980, incluant des idoles à son casting. La mère de Saki est d’ailleurs un clin d'oeil qui a dû faire plaisir aux nostalgiques de ces années. D’autres artistes jouent dans le film, mais toutes les collègues d’Aya Matsuura n’ont pas la même prestance. Le supérieur de Saki, joué par un inspecteur très années 1980, à l’hygiène douteuse et à la nonchalance assumée s’en sort bien dans son cabotinage, interprété par Riki Takeuchi, plus habitué aux rôles de mafieux. Le réalisateur l’avait déjà fait tourner dans Battle Royale 2.


Ce qui est sûr par contre, c’est que la réalisation de ce film est curieuse. Son introduction est assez pénible, composée de plans coupés, de travellings accélérés, dans un montage épileptique appuyé par des bruitages exagérés. Le mal de mer se fait sentir, ça gigote, ça ne montre rien, au secours. La suite se calmera sur les effets, les utilisant à plus petite échelle. Et c’est dommage cette exagération faussement moderne, car d’autres passages du film optent pour des plans plus statiques, à la composition marquée, qui captivent le regard. Le début du dernier affrontement se fait d’ailleurs de manières très classieuse, dans une usine abandonnée, la caméra est fixée, les personnages entrent dans le champ, se donnent des coups tout en reculant, leur confrontation se déroule presqu’à l’abri du regard du spectateur, qui n’est pas invité dans la scène, renforçant un certain fatalisme sur ce qui se joue. Mais l’état de grâce ne dure pas.


La bande-son du film offre du bon rock assez énergique, mais ce n’est guère suffisant pour oublier un film qui en dehors de son héroïne et de ses scènes d’action n’existe pas, trahissant même les maigres espoirs portés sur ses personnages ou sur son scénario. Le constat est mitigé, mais Aya Matsuura est une belle surprise, une actrice, assurément, et pas seulement un produit marketing.

SimplySmackkk
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le 16 juil. 2021

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