J'ai beau ne pas connaître grand chose du cinéma de Sono Sion, la simple vision de deux de ses films (à savoir Guilty of Romance et Why don't you Play in Hell ?) m'avait laissé dans un état de pure extase cinématographique. Voir un metteur en scène aussi fou, abordant des thématiques aussi sulfureuses, s'essayer à une commande clairement destinée à un public adolescent (et apparemment acceptée dans un état de semi-ébriété), me faisait craindre une nouvelle orientation à la Takashi Miike, autre trublion s'étant un brin perdu dans une industrie où le plus important est de bosser, quelque soit la nature du projet.
Adaptant le manga de Santa Inoue, Sono Sion va livrer une oeuvre certes commerciale, peu profonde comparée à certains de ses films, mais qui recèle en elle de pures merveilles si l'on accepte le voyage. Un délire effectivement régressif, à l'humour complètement con (ça parle surtout de grosses bites), à l'esthétisme clinquant et aux couleurs bariolées apte à vous faire vomir de la gourmette plaquée or et du string à paillettes.
Mais l'important n'est pas à chercher dans ce que peut raconter Tokyo Tribe (en gros, se taper sur la gueule, c'est pas si bien que ça), mais bien dans l'énergie purement juvénile que la caméra de Sono Sion parvient une fois encore à capter. Par le biais d'une maîtrise formelle qui laisse sans voix quand on observe le bordel ambiant à l'écran, Tokyo Tribe se présente comme la fusion parfaite entre cinéma et musique, entre le flow et le mouvement. Nourri de diverses influences, convoquant aussi bien le Street Art, le Hip-Hop, le manga ou le Warriors de Walter Hill, le long-métrage de Sion s'apparente à un véritable opéra, aspect renforcé par une narration purement musicale, le film étant même slamé à 80 %.
Loin du simple film de baston à la Crows Zero, Tokyo Tribe est au contraire une vraie proposition de cinéma, un joli détournement qui en laissera cependant plus d'un sur le carreau, tant sa folie peut s'avérer exténuante. Un immense chaos contrôlé, aussi fun que délicieusement régressif, qui n'aurait été qu'un foutoir sans intérêt sans le talent de Sono Sion qui, à l'instar d'un George Miller, enterre les doigts dans le nez une concurrence pourtant bien plus jeune.