Oui, il y a bien quelques éléments du genre heroic fantasy que l'auteur a contribué à populariser. Il n'y en aurait pas eu que certains auraient sans doute crié au scandale. Le champ de bataille en accueillera donc la plupart, alors même que Tolkien recherche les dernières traces d'humanité dans cette guerre qui devait mettre fin à toutes les guerres.
Ce champ de bataille aura donc des allures de royaume du Mordor, coincé entre le rouge des mares rances baignant les trous d'obus et les mordorés du ciel bas. Un dragon le fréquentera très brièvement, avant qu'un Nazgûl ou même Sauron dessineront leur silhouette dans la brume ou le feu d'une déflagration dévorant de manière avide les fantômes du passé.
Pour le reste, il y aura bien une image de La Comté, puis immédiatement un survol des industries de Birmingham qui n'auront jamais autant ressemblé aux forges brulantes d'Isengard. Puis un nom, Sam. Ou encore quelques dessins, en arrière plan. On y parlera aussi d'anneau ou d'un parent de Smaug veillant sur son trésor.
Mais là ne réside pas le coeur de Tolkien, qui fera beaucoup plus de l'oeil au Cercle des Poètes Disparus dans la fraternité qu'il dessine, dans les différences sociales qu'il met en scène, dans l'Oxford qu'il dépeint et les talents des quatre membres de la confrérie.
Sauf que John Ronald Reuel semble le plus souvent absent, ailleurs, déjà sans doute dans le monde qu'il dessine peu à peu sous sa plume. Qu'il commence à approcher et à définir pas à pas. En commençant par la langue de cette culture imaginaire, aiguillonné par un mentor et un amour d'enfance en forme de personnage attachant, fier et futé, mais qui commet la maladresse de glisser parfois dans le registre de la romance neuneu aux yeux de certains.
Cet amour donnera cependant lieu à une scène émouvante, en forme de rendez-vous manqué dans un théâtre où la condition sociale du couple se distingue avant de leur interdire l'accès. Avant d'illustrer, en total contrepoint, que la guerre et sa sauvagerie obligeront Tolkien à se réfugier dans un imaginaire foisonnant pour se préserver de son horreur.
Un imaginaire irrigué finalement, aussi, par tous ceux entourant l'écrivain : l'enfance des légendes racontées par sa mère, à la lumière d'un reptile fabuleux, un amour profond, ainsi que par cette fraternité toute aussi insouciante que finalement tragique.
Les dernières minutes du film baignent dans une nostalgie et un recueillement simples et doux, puis dans une promenade en forêt préfigurant la création des Ents. Et l'on se rend compte que Nicholas Hoult a interprété deux heures durant un Tolkien multiple dont il aura su garder une part de mystère du geste artistique, avant d'écrire les premiers mots d'un aller et d'un retour appelés à passer à la postérité.
Behind_the_Mask, Smaug on the water.