En suivant le destin particulier du dessinateur Tom of Finland, Dome Karukoski se penche sur un personnage clé de la lutte pour les droits des homosexuels. Un artiste dont les œuvres ont grandement contribué à l’émancipation des gays et à leur acceptation dans la société mais également à la prévention du SIDA, dont la reconnaissance a explosé dans les années 1970.
Tom est un homme discret, œuvrant dans l’ombre sans pour autant être effacé, atteignant ses buts avec subtilité et détermination. Un homme marqué par la guerre qu’il a menée sur le front d’Helsinki, conflit qui représente l’élément déclencheur de sa création artistique fortement influencée par son homosexualité. Une identité décriée, considérée comme « immorale » et « criminelle » par l’État et une grande partie de la société, discrimination obligeant les homosexuels à vivre une double existence caractérisée par le mensonge et la dissimulation. Cette situation d’injustice constituera l’un des éléments moteurs de l’œuvre de Tom, artiste qui placera l’homosexualité au cœur de son propos dans des œuvres osées et érotiques. Des dessins mis à l’honneur dans Tom of Finland qui rend hommage à l’auteur en prenant soin de revenir constamment sur ses créations. L’art apparaît ici comme une arme dressée contre les différents persécuteurs du héros (guerre, autorités, maladie) et de ses proches mais également comme un moyen de lutter « pour la vie ». Une œuvre qui entend « apporter la joie » dans le cœur des opprimés et leur rappeler que leur condition n’est pas amorale, que leur identité et leur sexualité sont synonymes de beauté et d’amour et non d’abomination. Pour retracer ce combat de longue haleine, le metteur en scène use d’un maillage de strates temporelles, navigant habilement entre les différentes époques charnières de la vie de l’artiste. Ce biopic alterne entre trois périodes centrales que sont la guerre, le temps présent du récit qui correspond aux événements dont se souvient le héros et enfin le déroulé des événements passés. Une narration en trois temps qui fonctionne relativement bien en dépit de quelques lourdeurs en fin de parcours, le film devenant un peu plus brouillon dans ses dernières séquences.
Séparé en diverses strates temporelles, Tom of Finland peut également être découpé en deux univers distincts que sont : le combat pour l’égalité, caractérisé par une effervescence liée à la renommée durement acquise par l’artiste, le tumulte des soirées, de l’ivresse et de l’abandon ; et les moments d’intimité partagés avec les êtres aimés, séquences qui donnent lieu à des moments d’une grande sensibilité. C’est peut-être la relation que Tom entretient avec sa sœur Kaija (la lumineuse Jessica Grabowsky, découverte dans L’Héritage empoisonné) que le film se montre le plus juste. Ce lien d’amour-haine entre frère et sœur donne lieu à des séquences marquantes, les personnages étant tiraillés entre une complicité fondamentale et une incompréhension irréconciliable. C’est dans ces moments de partage simple que l’image se fait la plus belle, la caméra venant embrasser le visage des personnages en plans rapprochés avec la même douceur et précision que le trait de l’artiste au moment de sa création. Une photographie qui se base sur une lumière tamisée et familière qui donne l’impression d’une caresse, filmant avec tendresse ses différents protagonistes. De Tom of Finland émane beaucoup d’amour, qu’il s’agisse de Tom et de sa sœur, du héros et de son amant Nipa (subtil Lauri Tilkanen) ou encore de celui que partagent Doug et Jack. L’œuvre dépeint les moments de joie comme les pertes et suit ses personnages d’épisodes en épisodes, au rythme de la carrière de Tom. Au-delà de l’œuvre de l’artiste, le film s’attache au déroulé du temps et à la lente dégradation des êtres, touchés tant par les persécutions que la maladie. Pour dépeindre ces épreuves, la caméra de Dome Karukoski se montre toujours pudique bien qu’intime et suit le même cheminement observable dans 120 Battements par minute, Grand Prix du dernier Festival de Cannes.
Plein de sensibilité et d’énergie, Tom of Finland est une très belle surprise, qui, malgré sa gravité, ne se départit pas d’un humour savoureux et bienvenu. Porté par l’interprétation irréprochable de Pekka Strang, ce long-métrage mérite amplement le détour, lui qui se penche sur le destin d’un homme dont l’œuvre a marqué l’histoire et impacte aujourd’hui encore notre présent.
Scotchés