Montrer à coup d'images la complexité des relations humaines, n'est-ce pas là l'une des missions les plus nobles du cinéma? C'est en tout cas celle que s'est fixée Maren Ade dans son dernier film.


La situation initiale de "Toni Erdmann" n'est pas forcément de celles à laquelle n'importe qui s'identifierait : un père aux valeurs simples dont l'éloignement géographique avec sa fille n'a d'égal que leur distance psychologique. Une distance qui deviendra de plus en plus ténue tout au long du film.


L'héroïne, de son côté, est une bête de travail qui s'est perdue à Bucarest pour des raisons professionnelles. Durant sa progression, sa présence dans cette ville reflète l'état émotionnel dans lequel elle se trouve : celui d'une personne ayant perdu tout repère.


La seule solution du père pour se rapprocher de sa fille sera de se créer un personnage fictif concordant avec les activités personnelles et professionnelles de sa fille. Personnage fictif se matérialisant par un dentier et une perruque brune.


Si dans un premier temps la démarche déroute et peut mettre quelque peu mal à l'aise, le spectateur s'en accommode lorsqu'il prend conscience que la fille accepte ce petit jeu parce qu'elle en ressent le besoin. Un besoin de retrouver ses repères qui se matérialise par l'envie de voir son père réinvestir sa vie, mais également par l'usage de moins en moins régulier de l'anglais au profit de sa langue natale : l'allemand.


Mais au delà de permettre un retour aux sources, le grimage du père donne lieu à la possibilité pour l'héroïne de s'observer elle-même ouvrant ainsi la porte à une répudiation de son mode de vie actuel.


Le format (2h40) peut également rebuter. Mais il a l'avantage de laisser le temps de contextualiser les relations et le caractère des personnages. Il sait également se faire oublier par une diversification récurrente des lieux et des personnages secondaires.


Sans être à ériger au rang de chef d'oeuvre, "Toni Erdmann" est à n'en pas douter un film brillant qui réussit le tour de force de retranscrire à la perfection la valse des émotions, pourtant complexes, de ses deux personnages principaux.


www.parlonspeloches.fr / https://www.facebook.com/ParlonsPeloches/

Thomas_Deseur
8
Écrit par

Créée

le 28 août 2016

Critique lue 837 fois

5 j'aime

Thomas Deseur

Écrit par

Critique lue 837 fois

5

D'autres avis sur Toni Erdmann

Toni Erdmann
CableHogue
8

Pour la beauté du geste

À quoi tient l’évidence d’une oeuvre ? En regard d’un objet inclassable comme Toni Erdmann – une comédie dramatique allemande de près de trois heures –, la question ne manque pas de se poser. En...

le 13 août 2016

68 j'aime

20

Toni Erdmann
Velvetman
7

La rancœur du rire

Dans la jungle du capitalisme qui s’abat sur la plupart des pays européens déambulent de nombreux spécimens aliénés. C’est alors qu’on y trouve Winfried Conradi, une sorte de Teddy Bear des cavernes...

le 19 août 2016

61 j'aime

5

Toni Erdmann
guyness
5

Postiches.. Liebe Dich

Il n'est pas totalement impossible que mon manque d'enthousiasme envers Toni Erdmann soit avant tout le fruit de considérations éminemment personnelles. Presque intimes. Je me suis toujours senti...

le 31 août 2016

57 j'aime

36

Du même critique

Get Out
Thomas_Deseur
10

Je vois des gens qui sont noirs

Dès l’introduction – mettant en scène le rapt d’un jeune homme tranquillement en train de rentrer chez lui - Get Out nous prend aux tripes. Avec un cadrage au millimètre et une ambiance angoissante à...

le 4 mai 2017

16 j'aime

Cherchez la femme
Thomas_Deseur
7

Niqab, ni soumise

Ces derniers temps, contexte oblige, l’extrémisme religieux aura été un sujet largement traité sur grand écran, que ce soit par le prisme du cinéma réaliste avec Le Ciel Attendra de Marie-Castille...

le 16 juin 2017

11 j'aime

Toni Erdmann
Thomas_Deseur
8

Allô! Papa, bobo.

Montrer à coup d'images la complexité des relations humaines, n'est-ce pas là l'une des missions les plus nobles du cinéma? C'est en tout cas celle que s'est fixée Maren Ade dans son dernier film...

le 28 août 2016

5 j'aime