Montrer à coup d'images la complexité des relations humaines, n'est-ce pas là l'une des missions les plus nobles du cinéma? C'est en tout cas celle que s'est fixée Maren Ade dans son dernier film.


La situation initiale de "Toni Erdmann" n'est pas forcément de celles à laquelle n'importe qui s'identifierait : un père aux valeurs simples dont l'éloignement géographique avec sa fille n'a d'égal que leur distance psychologique. Une distance qui deviendra de plus en plus ténue tout au long du film.


L'héroïne, de son côté, est une bête de travail qui s'est perdue à Bucarest pour des raisons professionnelles. Durant sa progression, sa présence dans cette ville reflète l'état émotionnel dans lequel elle se trouve : celui d'une personne ayant perdu tout repère.


La seule solution du père pour se rapprocher de sa fille sera de se créer un personnage fictif concordant avec les activités personnelles et professionnelles de sa fille. Personnage fictif se matérialisant par un dentier et une perruque brune.


Si dans un premier temps la démarche déroute et peut mettre quelque peu mal à l'aise, le spectateur s'en accommode lorsqu'il prend conscience que la fille accepte ce petit jeu parce qu'elle en ressent le besoin. Un besoin de retrouver ses repères qui se matérialise par l'envie de voir son père réinvestir sa vie, mais également par l'usage de moins en moins régulier de l'anglais au profit de sa langue natale : l'allemand.


Mais au delà de permettre un retour aux sources, le grimage du père donne lieu à la possibilité pour l'héroïne de s'observer elle-même ouvrant ainsi la porte à une répudiation de son mode de vie actuel.


Le format (2h40) peut également rebuter. Mais il a l'avantage de laisser le temps de contextualiser les relations et le caractère des personnages. Il sait également se faire oublier par une diversification récurrente des lieux et des personnages secondaires.


Sans être à ériger au rang de chef d'oeuvre, "Toni Erdmann" est à n'en pas douter un film brillant qui réussit le tour de force de retranscrire à la perfection la valse des émotions, pourtant complexes, de ses deux personnages principaux.


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Thomas_Deseur
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le 28 août 2016

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