La possibilité d’une idylle
Tonnerre est une invitation au retrait : celle d’un exil de Paris par le protagoniste qui serait un écho de la place marginale du film en regard de la production française. Tout, dans sa première partie, brandit l’indépendance et la sincérité. Cela peut irriter comme fonctionner.
Anti-spectacle, le récit place en son centre le personnage gauche et un peu abimé interprété avec fragilité par Vincent Macaigne. Autour de lui, la cohorte des gens normaux, commentateurs de son statut de personnage encore en devenir : son père, ce viticulteur qui passe le relais dans une scène de séduction atypique et touchante, aussi embarrassante qu’émoustillante pour le couple encore non formé.
Tonnerre est une commune de l’Yonne, protagoniste aussi désactivée que ses occupants. Dans le froid poisseux d’un hiver gris, elle délivre à quelques occasions de son urbanité lépreuse pour un lac, un chalet sous la neige, où les utopies d’un amour à l’abri du monde semblent un temps possibles.
Neurasthénique, très français, Tonnerre fonctionne, et pour peu qu’on joue le jeu de son codage un peu rêche, touche.
Je me répète, mais ne rien savoir d’un film est toujours un atout formidable pour se laisser surprendre et embarquer par les inattendus de son récit.
[Spoilers]
Alors qu’il commence comme la chronique délicate d’un rayon de soleil qu’on n’attendait plus sur une vie morne, Tonnerre prend un virage vers le polar désenchanté. Sauvé puis rejeté à la houle, Maxime perd pied et prend les armes. La tension croissante de son isolement, le naturalisme de cette solitude d’autant plus douloureuse qu’elle prend désormais la mesure de ce qu’elle perd, est restitué avec pertinence. La question est désormais de savoir jusqu’où ira le dérapage. Sur cet aspect là aussi, Brac joue la désactivation : un flingue jeté dans l’eau, un improbable syndrome de Stockholm, et un retour au quotidien qui trouble.
L’histoire douloureuse du père (Bernard Ménez qu’on retrouve toujours avec plaisir), ayant lui-même ses remords amoureux et ses parenthèses enchantées, semble être une des clés du récit : la possibilité d’une idylle, l’irruption de la jeunesse dans des corps meurtris, les chaleurs brusques dans des cœurs délavés, face à un vaste paysage qui les reflète avec bienveillance.