Cassavetes adapte ici une pièce de théâtre de Ted Allan, situation inédite si je ne me trompe, pour le réalisateur, film qui pourtant est plein de lui, de ses thèmes fétiches, de son univers, de sa femme bien évidemment, de ses amis...

Sarah et Robert sont frère et sœur.
Elle vit un divorce difficile, est séparée de sa fille, de son mari donc, qu'elle aime toujours, et, rejetée de son cocon familial, elle qui était déjà sujette aux "maux de têtes" (même expression que celle de Mabel dans Une Femme sous Influence..), perd tous ses repères et tente de trouver un équilibre dans sa vie. Equilibre que son psy lui a dit de trouver par la créativité, dans le sexe ou en art.
De retour aux Etats Unis, après un voyage expiatoire peu réussi en europe, elle trouve refuge chez son frère, écrivain, homme à femme, à tendance alcoolique, qui vient de retrouver son fils de huit ans qu'il n'avait vu que le jour de sa naissance.

Les deux personnages sont caractéristiques de l'œuvre de Cassavetes, tous deux en marge de la société, mal adaptés, maladroits, ils ne savent pas y faire avec la vie.
Ils sont en fait de grands enfants dans des corps d'adultes.

Lui a les désirs d'un adulte, le besoin de tenir une (voire plusieurs) femme(s) dans ses bras, mais c'est tout ce qu'il accepte de vivre du monde d'un adulte. Il cherche l'innocence, il n'aime que sa sœur, il fuit les responsabilités, ne veut que s'amuser, a trouvé un métier artistique qui lui permet de faire ça, mais sans attaches, sans évolution possible pour lui, il finit par tourner en rond.

Elle rêve sa vie plus qu'elle ne la vit, elle est pleine d'amour elle est trop pleine d'amour, qu'elle envisage comme un flux ininterrompu, qui une fois lancé ne pourrait plus s'arrêter. Elle ne peut pas comprendre que son mari ne l'aime plus, que sa fille la rejette. Son trop plein d'amour la fait se trouver dans des situations abracadabrantesque ( dont une très...bestiale et irrésistible), elle est littéralement malade d'amour.

Au niveau de la réalisation, Cassavetes signe ici un film qui mêle (avec brio) fantasmes et réalités, qu'ils se servent pour cela de rêves mis en scènes, de situations rocambolesques, ou du son, de la musique qu'on entend par exemple dans la dernière séquence que lorsque la caméra est à l'extérieur de la maison, et donc hors de portée de cette musique qui s'arrête une fois la caméra postée à l'intérieur.

Le film passe du rire aux larmes, il y a une scène qui m'a particulièrement touchée, où Gena Rowlands passe de clown, à Auguste, en un battement de cils, comme d'habitude époustouflante de justesse.
En matière de jeu, John Cassavetes n'est pas en reste, tantôt attendrissant, tantôt séduisant, ridicule, pathétique... Selon l'angle d'où il est filmé d'ailleurs son visage change ( "I love that face" chante Gena) et le fait parfois ressembler ici aussi à un véritable clown, à un fou furieux, ou au tombeur de ces dames.

Comme dans Gloria, Une femme sous influence, ou Un enfant attend, il est aussi question du rapport à l'enfant, à l'enfance, à la parentalité, aux responsabilités qui y incombent et au sentiment présent ou non d'un amour paternel ou maternel.

Comme dans Opening Night, ou Shadows, le film parle aussi d'art, et le personnage de Sarah se demande d'ailleurs ce qui peut bien être cette créativité artistique sensée lui apporter cet équilibre tant recherché. L'art peut-il sauver des vies? Peut-il faire tenir debout ceux qui tombent? Donne-t-il un sens à la vie?

Si tous ces thèmes sont omniprésents chez Cassavetes, le film est, comme Meurtre d'un Bookmaker chinois d'ailleurs, plus viril dans sa manière d'être traité, pus frontal qu'Un enfant attend ou Une femme sous influence aussi.

C'est aussi un film complètement barré, et ça, ça ne peut que me plaire.

Le film dure 2h21 mais ça fait cinq minutes que j'ai allumé mon lecteur dvd.
EIA
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le 22 juil. 2013

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EIA

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