Sous l'impulsion de Daniel Toscan Du Plantier, grand amateur d'opéra et producteur de cinéma éclairé, Benoît Jacquot réussit plus qu'un simple film opéra, en jonglant avec divers techniques, pour atteindre cinématographiquement la pureté de la musique de Giacomo Puccini.
La Tosca raconte comment le peintre Mario Cavaradossi (Roberto Alagna) se retrouve en prison pour avoir défendu et caché un dissident et comment sa bien aimée Tosca (Angela Gheorghiu) vend son âme et son corps à l'affreux gouverneur Scarpia (Ruggero Raimondi) pour faire libérer son amant.
C'est lyrique, beau, tragique, cruel, impitoyable ; c'est l'opéra italien dans toute sa splendeur quand l'intrigue amoureuse rejoint les hautes sphères de la politique. Mais nous ne sommes pas là pour décortiquer le célèbre opéra de Puccini, mais pour voir comment le réalisateur français Benoît Jacquot se l'est approprié. Tout commence par des images vidéo en noir et blanc du studio d'enregistrement où les interprètes chantent leurs rôles. Puis le cinéaste plonge le spectateur dans un immense décor épuré au maximum, évoquant l'église du premier acte. Seuls un échafaudage et une porte de chapelle ressortent de cette impressionnante surface scénique. Le montage revient régulièrement aux prises de vue de l'enregistrement, car Jacquot ne cherche pas à cacher que ses acteurs jouent en play-back pour des raisons de pure infrastructure. Mieux, il se permet de laisser les chants en voix off et de faire parler ses comédiens par dessus la musique pour évoquer leurs voix intérieures. Cela donne une nouvelle dimension entre l'art de l'opéra proprement dit et le cinéma. Et il va encore plus loin en intégrant à l'intrigue des images vidéo amateur des hauts lieux romains où se déroule l'action de l'œuvre de Puccini. Du coup le spectateur entre dans un monde unique propre à l'univers de Benoît Jacquot. Dans le deuxième acte, il se concentre sur l'action qui se déroule dans une pièce du palais où Scarpia s'adonne à un odieux chantage sentimental envers Tosca. Cette partie jouent aussi sur les voix off et in, mais ne quittent jamais l'endroit qui se résume à une très vaste pièce noire composée d'un âtre, d'une table et de quelques chaises. Au début du troisième et dernier acte, quand Mario attend sa sentence, le cinéaste illustre l'esprit du malheureux en reprenant des scènes des deux actes précédents projetées à l'envers. Cette trouvaille mène le spectateur dans le plus profond de l'âme des protagonistes.
Après ses deux heures de parfait mariage entre le son et l'image, on ressort ébloui autant par les performances des acteurs-chanteurs, que par la splendeur visuelle due aux costumes, aux décors et surtout à la mise en scène originale et inspirée de Monsieur Jacquot.