Le réalisateur Len Wiseman peut se targuer de coucher avec une femme superbe en la personne de Kate Beckinsale. Par contre, il ne saurait prétendre à quelqu'once de reconnaissance professionnelle que ce soit à la vision désillusionnée de son dernier navet, Total Recall. Remake insipide et pontifiant du très bon film de Paul Verhoeven (1990), son oeuvre est un plagiat de ce dernier, et reprend intégralement les passages les plus savoureux de cet original - à ceci près néanmoins qu'il leur ôte précisément toute cette saveur, d'une part dans la mesure où forcément l'on sy attend, d'autre part parce que l'humour mêlé de violence 'gore' gratuite est totalement absent du sinistre avatar de Wiseman.
Pédantesque au possible, Mr. Wiseman prétendait revenir aux sources de la nouvelle originelle de Philip K. Dick, "We Can Remember It For You Wholesale". A l'exception de l'orthographe 'Rekall', j'avoue ne pas comprendre dans quelle mesure. Nulle mention de Mars, nulle mention d'invasion extraterrestre imminente. Verhoeven prenait des libertés avec la nouvelle, certes, mais avait conservé l'atmosphère générale. Le film de Wiseman évoque une guerre bactériologique qui n'a épargné que les îles britanniques et l'Australie, la première constituant la Métropole de l'Empire britannique 'new age' et l'Australie la 'Colonie' essentiellement peuplée d'Asiatiques et de paumés comme Douglas Quaid, le personnage 'incarné' par Colin Farrell. Le 'plot' peut se résumer ainsi: "Salut, je suis le Chancelier Cohaagen et je suis super-emmerdé. La surpopulation menace mon île - qui déborde pourtant de méga-autoroutes et a conservé des quartiers historiques au niveau du sol mais bon... - et je voudrais me débarrasser des putains d'enculés qui peuplent la Colonie pour utiliser leur lebensraum perso. Mais bon, j'ai besoin de ces cons pour faire le sale boulot, à savoir monter mes flics androïdes - accessoirement pourris vu qu'un type peut se les faire à mains nues... Ca me fait prodigieusement chier, car on n'a pas inventé au XXIIème siècle les chaînes de production automatisées. On a préféré se concentrer sur les scans mémoriels ultra-rapides du cerveau, c'est vachement plus intéressant. Bon, vu que personne n'a de réponse à mon dilemme je vais tous leur faire sauter le caisson après on verra... Dites bien ça sur C.N.N., hein..."
C'est sur cette trame politique à l'intelligence prodigieuse que repose l'intrigue de 'Total Recall'. Plus des jeux de mots géniaux: la 'key', la clé de l'enigme est une touche de piano - et oui, c'est le même mot in english! Nom de Zeus, je n'y aurais jamais pensé. Les seules astuces valables sont les bons vieux gimmicks du Total Recall de 1990, mais la prétention du remake de Wiseman est telle qu'elle rend creux ces trop rares moments. Les concepts inédits du film sont déplorables de connerie - normal, ils sous-tendent le complot politique ridicule instigué par le crétin en chef, j'ai nommé Cohaagen. L'ascenseur géant souterrain, The Fall, passe par le centre de la Terre - merci au passage pour les jets de magma, je les ai pas vus dans le film - sans être rôti (vu la technologie, cf. ma remarque sur les chaînes de montage automatisées). Mieux: tu peux sortir de la structure sans être aspiré et en respirant normalement, et tu peux même emmener ta copine avec toi (!). Il faudrait songer à étudier un peu la mécanique des fluides, Mr. Wiseman - les contributions britanniques y sont par ailleurs légion. Les droïdes flics sont particulièrement stupides - normal, ils sont commandés par Kate Beckinsale, la femme du réalisateur !
Colin Farrell - dont les performances de comédiens étaient pourtant infiniment supérieures dans 'The Recruit', 'Minority Report' et surtout 'Phone Booth', pari risqué - se traîne lamentablement dans ce nanar, il n'est convaincant à AUCUN moment du film, là où un Schwarzenegger pourtant pataud et gêné par un accent autrichien à tailler au couteau parvenait à rendre plus que crédible le personnage d'agent double - notamment le jeu sur les deux personnalités de Hauser. Son incarnation est pathétique, il vagabonde de façon hallucinatoire tout le film durant... A tel point que le Quaid/Hauser de la toute fin fait plutôt figure de Colin Farrell se demandant: "Putain, mais pourquoi t'as joué dans ce film ?" qu'autre chose. Bryan Cranston figure un méchant tellement prévisible qu'il en est soporifique, il n'arrive pas à la cheville de Ronny Cox - qui interprétait le corporate villain de RoboCop, Richard 'Dick' Jones - et de sa magistrale fourberie, de son côté méphitique et de sa duplicité. Kate Beckinsale est fidèle à sa réputation de vampire d'Underworld: nulle et sans conviction, traversant le film d'une poursuite à une autre, sans la moindre saveur - la comparaison de son personnage avec les incarnations de Michael Ironside et Sharon Stone, dont il constitue une sorte de fusion, ne mérite visiblement pas que l'on s'y arrête ne fut-ce qu'une seconde... Le seul personnage convaincant est celui de Kaitlyn Leeb, la femme à trois nibards - ça rend bien.
Quelques éléments sauvent néanmoins le film du naufrage total et de la répudiation ad nauseam: les décors somptueux, qui confèrent à l'ensemble une atmosphère largement 'dickienne' - quoique fortement empreinte de "Blade Runner" et de "Minority Report", les références en la matière... La photographie n'est pas mal non plus, teintes ocres et grisâtres alternant avec noirceur de la Colonie et blancheur immaculée de The Fall et des droïdes. La pousuite en 'Air-Car' est assez fascinante - il est largement dommage que les personnages ne la fassent pas 'vivre' davantage (honte à toi Colin Farrell). Enfin, Jessica Biel est toujours aussi magnifique (quels yeux, quel corps de déesse, quelle femme !) - notez, Kate Beckinsale n'est pas mal non plus en petite culotte en coton...
Au bilan, pour 125 millions de dollars de budget, t'as plus rien... Ou alors, vraiment pas grand chose. Dans tous les cas, pas de quoi attirer les spectateurs dans les salles obscures...