Comme un rêve. Je ne cesse de voir son visage. Dés que je ferme les yeux. Total Recall. Toujours les mêmes images. Cela me hante. Même quand je dors. L'impression que la vérité n'est pas ce qu'elle me semble être.
Pourtant, Total Recall est pour moi un territoire connu, ça fait partie de ma vie. Je l'ai vu en VHS, elle m'avait été offerte avec un menu Quick Giant en 1994, je me souviens parfaitement. Mais ces images m'obsèdent. Tout semble irréel, comme familier. Qui est cet homme brun mal rasé à la place d'Arnie?
J'en discute alors avec mes collègues, au travail.
"Total Recall? Fais pas ça, mec. Tu vas te flinguer le cerveau."
Mais la pulsion est trop forte. Errant dans les rues, je repère les sigles en néon."Total Recall". Je pousse la porte du cinéma et la jeune femme à l'accueil s'adresse à moi:
"Première fois?"
-"Oui" réponds-je, tout penaud.
-"Sportif? Justicier? Agent Secret?"
- "Agent Secret" dis-je avec un regain d'assurance.
-"Donc 1 Place pour Total Recall. 10EUR, merci. Salle 5. Bonne projection!"
Et me voici bien enfoncé dans mon siège, attendant le début de la séance, rempli de crainte et d'espoir. Les lumières s'éteignent, j'agrippe fortement les accoudoirs.
Tout devient flou et bleu, c'est parti…
Et là, tout est parti en couille…
Enfin, non, pas tout de suite. Car les 20 premières minutes sont vraiment pas mal. L'univers est plutôt fouillé, magnifiquement rendu (belles belles CGI), crédible, même si très très emprunt de Blade Runner. Je me suis même dit que je pourrai certainement aimer ce film, n'en déplaise à tous ces hipsters de senscritique.
Et puis l'ami Collin débarque chez Rekall et là, tout part en cahouète, dans un gloubiboulga mêlant le Total Recall original (pour les scènes clés), iRobot/ The Island (pour l'esthétique des car chases très très longues et très ennuyeuses), iRobot pour les robots guerriers, Minority Report (pour tout un tas de choses, notamment l'esthétique londonienne et la majorité des GUI), Cube (pour les ascenseurs) et un tunnel de scènes d'action illisibles et chiantes n'ayant que pour but de mettre en valeur la femme du réalisateur, Kate "Terminatrix" Beckinsdale, alias Mme Farrell dans le film (rendez-nous Sharon!!).
Rien ne nous est épargné: tous les poncifs des actioners 80s (le combat contre le main villain au couteau, puis à mains nues), la loutasse sidekick un peu gauche qui sauve la situation avec des big guns dans un gros navion (comme dans Die Hard 4 du même réal - le mec a un problème avec ça, visiblement), les multiples fins-mais-en-fait-non, les morts-pas-vraiment-morts, et j'en passe…
Ce film est un énorme paradoxe: il va à 200 à l'heure sans jamais s'arrêter tout en dégageant une impression de mollesse et de guimauve totale; il se permet d'être plus bourrin que son prédécesseur (avec Schwarzie!!) tout en étant hyper fade; scénaristiquement chevillé à l'original, tout en supprimant tout ce qui en faisait sa saveur (à commencer par Mars!); le tout noyé dans une photo bleuâtre où un stagiaire After Effects a eu l'idée brillante de mettre des optical flares sur TOUS LES PLANS…
Et cerise sur le gâteau, le film a une bonne demi-heure en trop…
Ce Total Recall m'aura au final vrillé le cerveau. Mais pas comme je pouvais l'attendre. Il a opéré cette magie de s'être automatiquement effacé de ma mémoire immédiatement après avoir été vu.
Et ma vie a pu reprendre son cours normal. Quand je ferme les yeux et pense à Total Recall, je vois Schwarzie, Sharon, Michael Ironside et Mars...