Je n’ai rien contre l’humour noir et même second degré, mais avec ce film de Ben Wheatley je suis plus que perplexe. Je considère qu’il y a erreur sur la marchandise quand on nous présente ce film comme un exemple typique de l’humour anglais. J’étais prêt à me réjouir d’un humour décalé et j’avais eu un avant-goût du contenu du film en visionnant la bande-annonce. Eh bien non, à part une vague esquisse de sourire sur une scène de la bande-annonce, je n’ai pas vu ce qui permet de classer ce film dans la catégorie humour. Je passerais tout cela sous silence si j’avais l’impression d’être à contre-courant, mais le public de la salle n’a pas plus régi que moi…

Tina (Alice Lowe) jeune femme de 34 ans part en vacances avec Chris (Steve Oram) avec qui elle est depuis 3 mois. Elle laisse sa mère à la maison, malgré quelques réticences, celle-ci lui ayant fait une remarque vacharde pour évoquer son complexe de culpabilité à propos de la mort accidentelle de leur chien. Chris et Tina partent en voiture en tractant une grosse caravane, pour explorer les trésors de la campagne anglaise.

Ce voyage sera l’occasion de la confrontation avec toutes sortes d’indésirables, aux yeux de l’un ou l’autre voire des deux. Le spectateur réalise rapidement que ces indésirables sont éliminés de façon brutale et sans état d’âme. Cela pourrait être l’argument d’un film désopilant si le second (ou plus ?) degré fonctionnait. Malheureusement, Ben Wheatley ne se montre pas plus fin que ses protagonistes. Outre une mise en scène sans le moindre relief, il montre les meurtres avec une certaine condescendance dans le macabre bien sanglant et peu ragoûtant. Même cela pourrait être comique, si Ben Wheatley avait su établir la distance suffisante pour que le spectateur sente le deuxième degré. Ce n’est jamais le cas. Tina pourrait s’offusquer du premier meurtre, Chris pourrait trouver une motivation plus acceptable pour ses façons de faire. Non, Ben Wheatley semble considérer qu’il suffit que les actes de son couple façon « Bonnie and Clyde » soient de plus en plus abjects pour que l’ironie soit évidente. Eh bien non, ça ne fonctionne pas.

C’est d’autant plus malheureux que le spectateur de bonne volonté sent les intentions du réalisateur. Ben Wheatley s’en prend à ces touristes à la petite semaine qui se font une joie de visiter le musée du crayon ou du tramway. Il nourrit son film d’innombrables détails qui pourraient amuser si on voyait les scènes isolées de leur contexte : sous-vêtements féminins en laine rêche, moyen de locomotion individuel farfelu, caractère de la mère, Chris au look de nounours brun à la calvitie naissante et barbu roux apparemment inoffensif qui devient agressif quand on empiète sur sa petite tranquillité, Tina en trentenaire qui semble découvrir le plaisir et le défend en dépit des horreurs commises par son amant, etc.

Je pense qu’on peut rire de beaucoup de choses, à condition qu’on sache ce que l’on fait. On a déjà fait rire avec des meurtres ainsi qu’avec le comportement de rustres. Les Monty Python par exemple nous ont donné quelques beaux échantillons de l’humour british. On est malheureusement ici à des années-lumière de ce que les frères Coen ont pu faire entrer dans l’histoire du cinéma avec une mise en scène personnelle et une intelligence infiniment supérieure à celle de leurs personnages, dans « Fargo » par exemple. Même remarque pour Bertrand Blier avec « Buffet froid ».Tout cela pour rappeler qu’en maniant l’humour avec subtilité, on peut quasiment tout faire passer.

Mais il ne suffit pas de faire de la provocation en montrant des situations grotesques pour faire rire. Là où le bât blesse vraiment selon moi, c’est quand Ben Wheatley montre la violence au lieu de la suggérer. Exemple quand le spectateur voit un homme agoniser sous une caravane qui lui reste sur le corps et qu’il pisse le sang, alors que le conducteur reste là à observer comme s’il voulait être sûr que le « travail » est bien achevé. Pour y voir de l’humour, le spectateur a besoin d’un travail de distanciation. Cela va peut-être de soi pour un habitué du gore (Alice Lowe et Steve Osram ? acteurs et auteurs du scénario), pas pour le spectateur moyen.

Au moins les personnages principaux du récent « God Bless America » avaient des arguments « défendables » alors qu’ici c’est l’individualisme primaire qui est la règle absolue. « Kill list » (pas vu) le précédent film de Ben Wheatley avait attiré l’attention. Un film noir me semble-t-il, apprécié à droite à gauche. Peut-être Ben Wheatley aurait-il dû rester dans ce registre ?
Electron
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le 28 déc. 2012

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