La formule de Chantons sous la pluie a si bien marché que l’équipe rempile pour les prolongations. On trouve en effet dans Tous en scène une répétition assez nette de tout ce qui fit le succès de son prédécesseur : une succession de numéros décrochés de l’intrigue, une alternance entre la comédie et la romance avant le long bouquet final qui fonctionne comme un véritable film à part entière.
Le sujet lui-même reste identique, dans la tradition de la comédie musicale qui fait de ses coulisses le vivier de ses intrigues, et reprend l’idée d’un échec qui conduit à une remise en question et un nouveau pallier atteint en termes d’excellence. Fred Astaire joue d’ailleurs ici de la distinction entre les deux âges d’or de la comédie musicale, lui qui a brillé dans le premier et dont la cinquantaine avancée fait de lui un has been, comme dans le récit lui-même.
L’intrigue reste assez sommaire et les personnages n’atteignent pas l’intensité de Chantons sous la pluie : That’s entertainement a effectivement tout de l’hymne d’un certain esprit du spectacle, mais ne vaut pas la dynamique folle de Make ‘em laugh, et, d’une façon générale, résume bien la petite rigidité de cet opus, où l’on vend les mérites du show avec un sourire plus figé, peut-être un peu moins de conviction.
On ne boudera pas pour autant son plaisir devant certains numéros, dont l’un des sommets restera le duo entre Astaire et Charisse dans un parc, instant suspendu qui efface en quelques secondes toutes les facilités d’écriture des parties dialoguées. De la même façon, l’hommage au film noir lors du long numéro final atteint des sommets ostentatoires en matière de décors, de costumes et de chorégraphie, l’expressivité artistique virant presque à l’abstraction.
Dans cette mise en abyme sur le monde du spectacle, il est assez savoureux de constater les moyens mis en œuvre pour donner à voir un spectacle raté : gigantisme des décors, grandiloquence des effets sont en effet passés en revue avec une malice proche de l’autodérision. Car dans ce pseudo-accès aux coulisses du show business, on ne tombe jamais vraiment le masque : le public est heureux, les couples fusionnent, et les fêtes d’after sont aussi rutilantes que sur le devant de la scène. A Hollywood, un cireur de chaussures fait son job avec entrain, un metteur en scène egocentrique passe la main en reconnaissant le génie de son adjoint, et l’expression des sentiments se fait dans une harmonie capable de déteindre sur une rue entière : that’s entertainement.