"Tous les matins du monde" s'appuie sur une intrigue finalement assez simple: l'opposition de la légèreté, du mondain,de l'arriviste, Marin Marais, la cours du roi avec De Sainte Colombe et sa fille, tourmentés par des sentiments profonds, des souvenirs obsédants à jamais perdus, ineffables si ce n'est par la musique. Marins Marais dans sa vieillesse renonce alors à ses ambitions quand il reconnait dans la musique le langage primaire "qui précède l'enfance"et le présent douloureux, le langage qui fait renaître les morts et les souvenirs. Mais tout le film sème les indices qui décrivent le rapport ambigu entre la musique et le souvenir et qui aboutissent dans la rencontre spirituelle de Sainte Colombe et Marais. Ce dernier enfin frappé par un fort chagrin définit la musique par un autre langage de l'ineffable, la poésie.
Le suicide de Madeleine avec les lacets des chaussures offertes par Marais (symboles de l'abandon),le fantôme intouchable de la femme de Sainte Colombe, le tableau de Baugin, les apparitions mélancoliques de Sainte Colombe sobre dans des plans crépusculaires, en légères contre-plongée à la lisière de son domaine... Un système de souvenirs se tisse et se développe au fur et à mesure de la narration par des symboles qui essaient en vain de figer le souvenir,mais en vain... et l'émotion submerge cette tentative.
Le gros plan initial et la séquence de fin (principalement en gros plan sur le visage de Depardieu aussi) ramenant au présent de Marais souligne la douloureuse expérience éprouvée de la musique: la douleur et les larmes. Entre les deux, le récit, son souvenir qui le trouble dans la musique.
Hommage à la musique baroque, définition subjective de la musique en générale, "tous les matins du monde" nous questionne: qui dessert l'autre? La musique ou les images? Un raccord d'une séquence à l'autre, celle de Marais dirigeant avec arrogance l'orchestre de chambre du roi, frappant sa canne sur "la marche pour la cérémonie des turcs" de Lully témoigne d'une symbiose admirablement bien maîtrisée et d'un film qui ne laisse pas indifférent.
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le 1 juin 2011

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