Ce qu’il y a d’original dans Tout s’est bien passé, à savoir sa tonalité oscillant en permanence entre le drame et la comédie, est aussi ce qui le dessert le plus : la dérision qu’injecte le personnage d’André dans les situations qu’il traverse renvoie au spectateur une posture d’indifférence, presque d’amusement devant une fin de vie mise en scène tel un spectacle de la cruauté. François Ozon s’intéresse davantage au règlement de comptes entre les filles et leur père, prend le soin de rappeler l’humiliation répétée pendant l’enfance au moyen de flashbacks grossiers qui ont pour effet involontaire de renforcer cette impression de cabotinage malvenu, les acteurs étant au mieux remplacés, au pire rajeunis.
Le problème de fond que rencontre le long métrage tient à la distance qu’il prend à l’égard de son sujet ; distance qui s’avère tantôt excessive – tremplin vers la pochade de boulevard – tantôt absente, ce qui occasionne alors une obscénité déconcertante – pensons à ce plan sur le lit souillé d’André ou le matraquage de plans sur les prothèses faciales de Dussollier. Ozon s’efforce de traiter pêle-mêle des sujets hétérogènes qui, s’ils convergeaient avec succès dans l’œuvre littéraire adaptée, s’articulent mal les uns aux autres : passé douloureux d’une famille juive, homosexualité d’un père qui n’hésite pas à se montrer cruel à l’égard de sa femme et de ses filles, réflexion sur l’euthanasie, vendetta familiale qui nous donne accès aux rêves et pulsions de meurtre d’Emmanuèle contre celui qu’elle aime malgré tout.
En refusant de choisir, en adoptant une forme épurée, impersonnelle, presque hygiénique, Tout s’est bien passé se disperse et disperse les thématiques qu’il aborde, une larme au coin de l’œil et le sourire aux lèvres. Histoire de plaire à tout le monde, histoire de ne choquer personne. Confusion entre la volonté de rendre une thématique universelle et la lâcheté d’un artiste qui prétend s’attaquer à l’interdit pour seulement l’effleurer, tant le refus de prendre position traduit ici une angoisse puérile devant l’engagement politique – alors qu’un tel sujet l’exigeait. À titre de comparaison, nous préférons l’audace du plan qui refermait Une Nouvelle amie (2014).