On ne peut pas dire que François Ozon aborde un sujet facile, souvent évoqué, dont la société aime bien parler, à savoir l'euthanasie,en conséquence le droit de mourir dans la dignité, quand on sent que son corps ne permet plus de vivre décemment. Mais le réalisateur ne s'en sert que de toile de fond.
Pour lui, le thème principal est les relations conflictuelles entre un père et ses filles. Pourquoi pas ! Je veux bien, mais dans ce cas-là que ce soit bien fait. Je me serais bien passé des trois petits flashbacks n'apportant rien, si ce n'est que du ridicule. Oui, coller une grosse moumoute laide bien brune à un acteur ou une actrice âgé(e) ne les rend pas plus jeunes. Bon, on peut aussi faire un beau décompte des séquences qui se terminent par une des filles qui part précipitamment soit sur le coup de la tristesse, soit sous celui de la colère. Que ce genre de truc éculé soit utilisé une fois, en passant, OK, mais là, c'est à une telle fréquence que ça en devient un running-gag involontaire, gâchant tout potentiel émotionnel.
Ah oui, en parlant de potentiel émotionnel, je ne suis pas allergique à de l'humour qui s'insère dans un drame intense (ou plutôt se voulant intense !). Après tout, la comédie dans la vraie vie n'hésite pas à s'inviter là où on ne s'y attend pas.
Mais ça s'appuie uniquement sur le fait que celui qui veut mourir est un gros con 24 heures sur 24. C'est donc impossible pour le spectateur de s'y attacher et, encore plus grave, de comprendre pourquoi ses deux filles l'aiment, pourquoi elles font tout ce qu'elles peuvent pour servir sa volonté ultime (pour le coup, ce sont surtout les motivations qui sont euthanasiées !). Ah non, injustice, que dis-je, il y a ce cauchemar bien lourdingue, genre Freud pour les nuls, où petite fille tue papa avec un revolver. Voilà, c'est bon, on a dit que la fille peut détester son père une fois (mais dans le subconscient !), plus besoin de faire dans la complexité, on va juste la faire se comporter comme étant aimante sans raison tout le reste du temps. Non, en fait, laissez tomber, c'est à chier.
Je ne dis pas qu'il faut faire de notre protagoniste malade un saint, mais quelques pointes naturelles pour le rendre sympathique n'auraient pas été de trop. Sur un thème quasi-similaire et avec un personnage du même type, Les Invasions barbares de Denys Arcand s'était plutôt bien démerdé pour parvenir à trouver cet équilibre subtil.
Et bordel, si les réalisateurs pouvaient un jour arrêter de nous prendre pour des aveugles en cessant de faire boire à leurs comédiens et comédiennes des tasses ou des gobelets vides. C'est saoulant à la fin. Heureusement que les verres sont transparents parce qu'il n'y aurait rien pour étancher la soif.
Et je n'ai guère apprécié le suspense à deux balles avec la police et avec les ambulanciers. La police va-t-elle tout bloquer ? Tout faire foirer après une main courante comme si elle avait que cela à foutre ? Oh mon Dieu, les ambulanciers vont accepter, en dépit de leurs convictions, d'amener Dussollier à sa destination finale ? La dernière étape avant la délivrance, va-t-elle être franchie ? Non, sérieux, un metteur en scène ayant un minimum de réflexion et n'essayant pas de se la péter avec un romanesque pourrave, pas du tout à sa place ici, aurait compris que les simples faits à eux seuls que les filles ne reverront plus leur père vivant après le jour de son départ pour la Suisse et qu'elles doivent attendre le coup de fil annonçant que "tout s'est bien passé" suffisaient largement à injecter de l'intensité.
Pour l'interprétation, non, parler avec une voix faible et avoir un rictus ne suffisent pas à faire croire qu'on a eu un AVC. Oui, c'est à toi que je parle, André.
Je préfère ne pas m'attarder sur l'aspect bien téléfilmesque d'un visuel pauvre, ni sur le problème que le scénario a besoin de tout expliquer, le pourquoi de ceci, le pourquoi de cela, le pourquoi de tel personnage. Parfois, il est bon que celui ou celle qui regarde le (télé)film fasse lui-même 2 et 2 tout(e) seul(e) (par exemple, on a compris qu'il était plus attiré par les hommes à une époque pendant laquelle ce n'était pas franchement bien vu, pas la peine de sortir les stabilos !).
Ouais, ce film me confirme, avec Été 85, que c'est principalement le talent d'Ozon qui me paraît être en fin de vie.