Prendre le racisme à l’envers et le désamorcer, en le plaçant entre les mains de ceux qui en sont d’ordinaire les victimes, l’idée ne manque pas de panache, surtout lorsqu’elle est conçue, écrite, réalisée et jouée par un Noir, rappeur et star du petit écran, Jean-Pascal Zadi, homme-orchestre de cette troisième réalisation cinématographique.
Adoptant les allures d’un faux documentaire, l’artiste se met lui-même en scène et prend l’aspect d’un Candide militant, aussi virulent qu’hébété, et bien décidé, après avoir clamé sa colère sur les réseaux sociaux, à organiser une marche de contestation des Noirs en France. Pour ne pas défiler tout seul et trouver des appuis, il entreprend une tournée des vedettes noires en France et rencontre ainsi toute une série de figures bien existantes, jouant elles aussi leur propre rôle, dans le monde du rap, du sport, du cinéma, du stand-up : Joeystarr, Soprano, Lilian Thuram, Lucien Jean-Baptiste, Ramzy Bedia, Cyril Hanouna, Mathieu Kassovitz, Fabrice Eboué, Fary... pour ne citer qu’eux. Les entretiens successivement menés, souvent réjouissants, confrontent JP à ses contradictions et aux limites de sa logique excluante : initialement, il concevait sa marche comme réservée aux hommes, « vraiment noirs », d’où un débat désopilant sur cette épineuse question. En reprenant aux nazis, pour les appliquer à la définition d’une authentique négritude, les critères de pureté de la race aryenne, Jean-Pascal Zadi fait preuve d’une audace échevelée, surtout par ces temps de bien-pensance toujours prête à dégainer le juridique. Et d’un seul coup d’un seul, il torpille aussi bien l’absurdité du racisme, en montrant sa réversibilité, que les dangers du communautarisme, dont il cible la logique excluante et au moins symboliquement meurtrière de l’autre. Démonstration d’autant plus magistrale qu’elle emprunte, grâce à des dialogues souvent brillants et ciselés, les voies de l’humour et de l’absurde, l’une et l’autre aussi irrésistibles qu’imparables.
Les moments de plaisir, de délectation, d’admiration, sont donc nombreux et le masochisme jubilatoire avec lequel JP s’entortille dans les filets qu’il se tend lui-même force la sympathie. Les seules limites sont celles liées au mécanisme mis en place : un côté décousu, malgré les efforts scénaristiques de liant, et surtout un jeu de déconstruction féroce, plutôt que de proposition positive.
Il n’en reste pas moins que ce dernier aspect, échappant au jeu de massacre, se dégage lui-même très naturellement de la vision du film, dans le prolongement que le spectateur ne peut manquer de lui apporter par la pensée. Jean-Pascal Zadi s’épargne ainsi, et au spectateur par la même occasion, le prêche pour un vivre-ensemble apaisé, qui considère l’être humain avant sa couleur, de peau, d’yeux ou de cheveux. Et l’on ne peut manquer de saluer la suprême élégance qui lui fait cacher sous tant de maladresse apparente un immense savoir-faire, et une sagesse humaniste que l’on aimerait voir plus unanimement partagée.