Tout simplement noir se présente par sa bande-annonce comme une comédie à punchline, avec un casting hors pair et une musique percutante qui met un rythme terrible auquel on s’attend une fois rentré en salle. Mais on s’aperçoit rapidement que l’ambition du film est tout autre, au-delà d’une comédie divertissante, le film opte pour une réelle dimension politique qui prend ici tout son sens, tant elle remet en question tous les fondements sur lesquels chacun s’est construit en matière de relation sociale et des personnes victimes de racisation. Tout simplement noir de John Waxx et Jean-Pascal Zadi touche, provoque, questionne au travers de ce dernier, jouant son propre rôle dans un faux documentaire sur lui, comme quasiment tous les autres acteurs du film. Il se met ainsi en scène comme un militant père de famille en colère face à la situation de sa communauté en France, ce qui va alors le pousser à tenter d’organiser une marche pour la cause noire en avec la plus grande ampleur possible, ce qui va le pousser à contacter et essayer de toucher un maximum de personnalités appartenant à cette communauté.
Comment traiter la différence ? Comment vivre lorsqu’on a toujours été moqué, meurtri, et encore aujourd’hui jamais représenté nulle part comme s’il fallait cacher quelque chose faisant l’écho d’un passé honteux qu’on tente d’oublier. Comment se révolter alors ? Comment rassembler autour d’une même cause mais pourquoi les avis peuvent tant diverger ?
Le film parle beaucoup d’artistes ayant réussi et leur manière de s’engager, ou du moins participer à une cause qui les touche forcément, que ce soit pour leur couleur de peau ou des œuvres en elles-mêmes qu’ils ont produit. L’un des concepts qui fonctionne le mieux est d’ailleurs certainement la grande auto-dérision dont font preuve les acteurs / personnages, du fait qu’ils jouent leur propre rôle rendant le comique de situation très réussi à chaque fois. Le film situe sans cesse son histoire en perspective avec la réalité, mettant en lumière les différents choix de chacune des personnes à l’écran pour les dénoncer, les discuter et montrer à quel point il est complexe de se forger une personnalité singulière pour ces personnes, tant le manque de modèle et la constante racisation empêche tout épanouissement pour des groupes qu’on laisse en marge de la société volontairement. Le film semble mettre en valeur au final les dizaines de contradictions de chacun pour leur engagement, et en premier lieu du personnage principal, trop enfermé dans sa quête de révolte de sa condition personnelle pour la mettre en relief avec tous les problèmes qui gravitent autour (les conditions des autres communautés, la place des femmes noirs et même qu’est-ce qu’être noir finalement).
D’autre part, il faut le signaler tant il se fait rare en France mais Tout simplement noir est évidemment très drôle, bien que certains regretteront sans doute qu’il ne l’ai pas autant que sa bande-annonce pourrait le promettre. Mais les blagues sont bien à chaque fois percutante et parfaitement trouvés sans hésiter à pousser le burlesque jusqu’au bout du bout sans jamais faire de faux pas. Le message se fond parfaitement dans la forme où le film ose sans jamais se dégonfler bien au contraire. Les délires sont poussés au maximum sur n’importe quel sujet, montrant finalement que lorsqu’une démarche est sincère, en connaissance du sujet dont il est question, et qu’avec des acteurs impliqués et une vraie finesse d’écritures, il est absolument possible de rire de tout sans provoquer ne serait-ce qu’une once de malaise.
La réflexion et le débat du film prend le pas la plupart du temps sur le ton humoristique même si la forme documentaire qu’à choisi de prendre le film donne toujours ce côté léger et plein de second degré. Ce parti pris permet vraiment la possibilité de ne pas mettre en avant d’artifices de mise-en-scène de façon à vraiment simplifier ce qu’on voit à l’écran tant le propos est déjà suffisamment complexe à aborder. L’immersion fonctionne par ailleurs même si elle pose quelques limites sur la longueur et également au moment de conclure. Ce premier long-métrage pour les deux réalisateurs est toutefois une franche réussite, assumant pleinement son but de choquer, de provoquer pour amener le débat dans ce paysage ciné français tristement lisse et sage sans grande revendication clair, voire même plutôt l’inverse. Le film remet tout en question sans véritablement amener de réponses en se demandant même s’il peut y en avoir, tant l’atrocité de l’Histoire se perpétue encore et toujours dans la plupart des mentalités et ne pourra s’effacer de sitôt.