Toute la mémoire du monde par Alligator
Jusqu'où peut aller la bibliophilie de certains?! Pour un documentaliste et historien comme moi, ce court-métrage panégyrique de la Bibliothèque Nationale se révèle en tout point savoureux. Un bon gros bonbon.
Alain Resnais en 1956 n'est déjà pas à son premier coup d'essai en tant que documentariste. Il a réalisé pas mal de courts, et vient de sortir "Nuit et brouillard" l'année précédente.
Il se consacre alors à cette oeuvre en large partie collective. Ils sont un grand nombre de collaborateurs à s'impliquer dans le film, comme le prouve le générique de début. Parmi eux les plus célèbres sont sans doute Agnès Varda et Chris Marker.
Ce documentaire nous propose une visite de la BNF. On y pénètre jusqu'aux coins les plus reculés, les plus préservés. On y voit le travail des bibliothécaires. Rien ne nous échappe de toutes les tâches quotidiennes destinées à sauvegarder cette fameuse mémoire du monde, de la surveillance hygrométrique jusqu'à l'indexation, le catalogage en passant par l'accès au public bien entendu.
La réalisation est délicieuse, très sûre, très friande de raconter son histoire, riche et variée. Souvent de très lents travellings donnent vie aux lieux. Les espaces se creusent avec les plongées et contre plongées, prennent une certaine rondeur, pendant que les statues laissent goûter à leurs volumes. Astucieux autant que gracieux, le procédé dénote un regard esthète, amoureux des lieux comme des objets.
Tout cela permet au spectateur d'être véritablement dans ces lieux vastes et lumineux ou au contraire d'être terrés dans le silence des couloirs et des rayonnages sombres. La visite est en quelque sorte physiquement éprouvée par le spectateur. C'est tout juste si l'on ne sent pas le parfum du vieux papier.
J'ai adoré cette petite balade, gentiment accompagnée par une musique de Maurice Jarre et orchestrée par Georges Delerue qui se veut inquiétante, grande parfois, guillerette et intrigante à d'autres moments, jamais vraiment solennelle.