Alain Resnais donne la parole à notre esprit qui se matérialise dans une esquisse, à notre mémoire, à nos devoirs, à ambitions scientifiques ou simplement communicationnelles. Toute la mémoire du monde est un court-métrage oratoire et didactique, réaliste bien que poétique -sinon Rousseauiste- qui nous plonge avec fluidité, sous les projecteurs, dans les profondeurs métatextuelles de siècles de pensées accumulées dans un même lieu: la Bibliothèque.
C'est un éloge de l'archive, parce qu'il en montre les paradoxes: pourquoi détruire, ensevelir dans le papier pour conserver? C'est par des lieux que se perpétuent des savoirs et qu'ils se reconstruisent, ils symbolisent un socle de connaissances, les origines de modes de pensée: ces ressources documentaires matérialisent le labyrinthe de notre mémoire, elles sont la clé de voute d'une civilisation qui se perd dans une littérature scientifique luxuriante: cette civilisation du savoir est oisive, curieuse, peut-être même bibliophage avant d'agir pour un positivisme fantasmé, cupide comme elle est.
Alain Resnais nous décrit cette mémoire comme quelque chose de mouvant, d'ineffable. Elle est inscrite dans des textes répertoriés et classifiés dans une hiérarchie de la connaissance par des universitaires ou des documentalistes, mais elle est aussi quelque chose de subjectif, et surtout, de sélectif. On ne conserve pas seulement des textes mais bien des assemblages d'essais, des recueils de lettres soit des mots, oetis ou grands, bons ou mauvais: si toute la mémoire du monde n'existe pas puisqu'elle n'est pas quantifiable, Toute la mémoire du monde pourrait éventuellement, si l'on veut jouer sur les mots -en l'occurrence, comme toujours- le court-métrage documentaire par excellence, sinon le court-métrage du documentaire, de l'art du documentaliste.
Certes ce texte est idéaliste car il est optimiste, à l'image d'une énergie et d'une esthétique du renouveau propre à une communauté et à un groupe social d'artistes, les premiers cinéphiles qui se revendiquent.
Ce dernier paragraphe n'est pas non plus l'éloge de ce texte, il tente simplement de justifier sa naiveté manifeste par ce qui se manifeste dans Toute la mémoire du monde, qui reste un titre peut être au fond un petit peu pessimiste quand même. Parler de Toute la mémoire du monde, c'est parler d'un palimpseste, celui dans lequel est inscrit chacun de nos textes, celui d'une humanité qui se construit, qui s'élabore à partir d'elle même et qui de fait, se piétine