Fort du succès de ses précédents courts-métrages Luxo Jr., Red's Dream, Tin Toy et Knick Knack, l'ancienne division d'Industrial Light and Magic rebaptisée le studio Pixar se fait petit à petit une place au sein de l'animation américaine. Ceci au point de se faire remarquer par Disney qui n'hésite pas à recontacter John Lasseter, ancien animateur chez la boîte aux grandes oreilles et pilier fondateur de la boîte à la petite lampe, pour proposer une alliance. Pixar, ne reposant à l'époque que sur des bases fragiles, se retrouve alors soutenu par Mickey.
John Lasseter souhaite pousser son concept déjà utilisé dans le cartoon Tin Toy un peu plus loin et propose à Jeffrey Katzenberg, un des principaux PDG de Disney à l'époque, de réaliser un moyen-métrage de 30 minutes exploitant à nouveau l'idée que les jouets puissent prendre vie. L'idée plait tellement à Katzenberg que ce dernier demande à Lasseter d'en faire un long-métrage d'1h30. Un défi de taille encore jamais relevé, faire un film entièrement en numérique de 90 minutes. Le contrat est clair. Pixar produit le film, Disney le finance, le promeut et le distribue.
La production est très compliquée, Katzenberg souhaite effectivement que le projet de Pixar soit plus adulte et sombre que les Classiques Disney et force Lasseter à modifier la plupart de ses idées. Le résultat est catastrophique et ne plaît à personne. Katzenberg démissionne et Lasseter reprend le contrôle sur son bébé.
C'est ainsi que sort en 1995 le tout premier film fait intégralement en numérique: Toy Story.
Et pour le tout premier Disney-Pixar à avoir vu le jour, il est fort remarquable de voir que l'empreinte des films qui suivront venant de la boîte de Luxo Jr. est totalement présente dans ce premier film.
Avec Toy Story, Pixar crée un nouveau genre, une nouvelle approche et un style propre au studio.
Dès les premières minutes, le rendu est impressionnant. L'exposition prend une bonne dizaine de minutes et nous présente une galerie de personnages tous plus marquants les uns que les autres. Visuellement, John Lasseter ne lésine pas sur les moyens et choisit toutes sortes d'angles et de points de vue pour suivre ces jouets tout en veillant à soigner son écriture.
L'humour, à grand renfort de gags visuels et de jeux de mots, fait toujours son petit effet et se révèle très créatif dès qu'il s'agit de se moquer du statut de figurine en plastique de nos héros.
Nos héros d'ailleurs, qui à eux-seuls représenteront les thèmes omniprésents de Pixar dans chacune de leurs productions suivantes, sont tellement cultes de nos jours que ne pas les connaître constitue un crime. D'un côté, Woody, cowboy et leader du groupe de jouets dans la chambre d'Andy; de l'autre, Buzz L'Éclair, nouvel arrivant symbolisant l'évolution des jouets et devenant le nouveau "compagnon" préféré d'Andy quitte à provoquer la jalousie de Woody. Le duo fait autant rire qu'il émeut et leurs design sont particulièrement soignés (sans oublier le doublage français impeccable, quelles autres voix pour nos jouets préférés que Jean-Philippe Puymartin et Richard Darbois?).
L'idée de commencer leur premier film par une histoire de jouets est brillante, ainsi, Pixar évite au long-métrage de rapidement vieillir techniquement en ne mettant quasiment en image que des figurines. Les textures ont beau avoir pris un léger coup de vieux (la modélisation des humains passait mal à l'époque, elle passe encore moins bien aujourd'hui), elle font parfois la force du film.
La simplicité visuelle qui ressort de la chambre d'Andy en est le meilleur exemple. Très coloré et envahi par des jouets et jeux de toutes sortes, la chambre du jeune garçon prend des airs de mini-parc d'attractions et chacune des péripéties s'y passant divertit le spectateur.
Coaché par Disney, Pixar se voit obligé d'inclure 3 chansons dans le film. Celles-ci sont écrites et composées par Randy Newman qui installera dès lors le ton jazzy représentatif de quasiment chaque film des Studios Pixar leur donnant une identité musicale forte. Si les deux dernières ne sont pas des plus mémorables, "Je suis ton Ami" marque dès sa première écoute et devient la chanson culte de la trilogie Toy Story.
Ne possédant que des qualités, le premier essai de Pixar au format cinéma enthousiasme comme jamais la critique et le public. Disney réalisera ironiquement bien plus de bénéfices avec ce premier Pixar qu'avec leur propre Classique de l'époque, Pocahontas, une légende indienne.
Toy Story fût à il y a 21 ans une révolution visuelle. Aujourd'hui, il est bien plus que ça. Il est ce que fût Blanche-Neige et les Sept Nains à son époque. Il est un grand film d'animation et un grand film tout court.
Et il est le commencement d'une aventure. Celle de Woody et de Buzz, celle de Pixar, et la notre avant tout.