Lorsque "Toy Story 2" s'apprêtait à sortir, peu donnait cher de la peau de la bande à Lasseter, et peu les croyait capables de transcender les qualités d'un opus original qui restera à jamais comme le premier long-métrage d'animation 3D. On ne touche pas aux classiques, et un second opus frôlait l'hérésie. La suite, tout le monde la connaît, et "Toy Story 2" s'est non seulement fait l'égal de son illustre modèle, mais prouvait définitivement par la même occasion l'exigence et l'excellence des équipes de Pixar. Pourtant, à l'annonce d'un troisième volume, bis repetita, et tout le monde s'apprête à tomber sur Lee Unkrich, anticipant le premier échec, ou du moins, le premier vrai faux pas d'un studio n'ayant jamais flanché. "Disney risque de tuer Pixar" ! En fait, pas vraiment....
Andy a grandi, c'est désormais un adolescent s'apprêtant à gagner les bancs de l'université, en somme, changer de vie et passer à autre chose. Son chien, jadis si fringuant, accuse le poids des ans, sa soeur, autrefois si turbulente, s'est assagie, et ses jouets, anciennement centre de son univers, n'ont plus leur place dans un monde qui contrairement à eux vieillit et change. Aussi, que faire pour regagner son intérêt, son attachement, voire son amour ?
Présenté comme ça, la redite avec "Toy Story 2" semble évidente, et on se prend à frémir à l'idée que "Toy Story 3" ne serait qu'une synthèse des deux premiers opus, sans réelle valeur ajoutée. Seulement, ce serait une nouvelle fois sous-estimer des équipes maîtrisant leur sujet comme personne, et dont l'imagination débordante ne prend jamais le pas sur la qualité du scénario et la cohérence de la mise en scène.
Nettement plus référentiel que ses prédécesseurs (voire que tout autre Pixar d'ailleurs), "Toy Story 3" a pourtant pour lui l'intelligence de ne jamais en faire son ressort émotionnel principal (pas comme un certain ogre vert ?...), mais d'au contraire les assimiler, les digérer, pour mieux dynamiser son récit (probablement le plus dense et le mieux rythmé de la trilogie), récit ô combien nostalgique et doux-amer...
Car là où "Cars" et "Wall-E" traitaient déjà d'un monde révolu, du temps qui passe malgré nous, malgré nos envies, aucun des deux n'était allé aussi loin dans le fatalisme, voire le désespoir de voir ce monde s'effondrer sans pour autant pouvoir y changer quoi que ce soit. A cet égard, la séquence de l'incinérateur est à n'en pas douter la plus mature, la plus osée, et la plus émotionnellement éprouvante de tous les Pixar.
Ainsi, "Toy Story 3" est contre toute attente le Pixar le plus mature, tout en étant également le plus enfantin. Car bien entendu, on n'échappera aux bons sentiments, à l'ode au courage et au coeur pur, mais n'était-ce pas déjà le cas dans les deux précédents ? Mieux, c'est dans cette naïveté touchante que "Toy Story 3" trouve les ressources pour pousser son récit plus loin, plus haut, et apporter ce supplément de frisson et d'émotion qui nous prend dès la première minute pour ne plus nous lâcher, mêlant rires, larmes, allégresse et tension. En ce sens, Pixar évite l'écueil dans lequel Disney avait pu se fourvoyer (et faire oublier le nombre de chef-d'œuvres pourtant sortis de ses ateliers), et propose une nouvelle fois une histoire oscillant constamment entre gravité et légèreté.
"Sans une bonne histoire, un film n'est rien". C'est également valable pour la mise en scène. Une nouvelle fois techniquement bluffant, mêlant astucieusement photo-réalisme et charme rétro sans altérer l'identité visuelle propre aux "Toy Story", "Toy Story 3" est également un exemple de fluidité et de dynamisme, faisant la part belle aux personnages tout en mettant astucieusement en valeur le travail global apporté aux arrières-plans, tous plus travaillés les uns que les autres.
Retrouver Woody, Buzz, Monsieur Patate, ou encore les impayables petits aliens, c'est se replonger dans les joies de l'enfance, une enfance que nous perdons tous de vue sans l'oublier pour autant, mais c'est également une manière de boucler la boucle et tourner la page, pour avancer vers de nouvelles aventures qui promettent sacrément, pour Pixar comme pour nous.
Pour tant de coeur, d'excellence, et de maestria, en un mot comme en cent : bravo !
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