De par son principe, Traffic me semblait prometteur. Un film s’étendant sur 2h30, traitant du trafic de drogue aux USA et au Mexique ; j’en attendais une œuvre vaste explorant tous les aspects possibles du sujet, en les mettant en lien.
On suit principalement trois intrigues : celles de flics au Mexique entourés par la corruption, chargés de démanteler un cartel mais par un général lui-même à la solde d’autres trafiquants.
Un politicien aux Etats-Unis qui mène une lutte contre la drogue, mais dont la propre fille consomme.
Et la femme d’un trafiquant qui se fait arrêter, et essaye de se remettre sur pieds.
J’attendais un réel lien entre ce qui se passe entre le lieu où la drogue est produite et celui où on la consomme. Mais en fait, il s’agit juste de trois intrigues qui se déroulent en parallèle, sans qu’elles n’aient vraiment de répercussions les unes sur les autres. Et faire se croiser des personnages le temps d’un plan n’y change rien.
De plus, chaque histoire progresse plutôt lentement, sans que le film ne justifie sa durée par son contenu. Et les personnages n’en sont pas développés non plus pour autant, du coup on se fiche un peu de ce qui leur arrive, et on est surpris par certains de leurs comportements ou décisions.
Soudain, la femme du trafiquant qui s’est fait arrêté décide de prendre les affaires en main, sans que rien ne nous y amène. On n’a rien vu de sa transformation de femme au foyer qui a toujours dépendu de quelqu’un, et qui était bouleversée d’apprendre les activités illégales de son mari. Et puis de nulle part, elle sort un produit inédit, des jouets faits en cocaïne.
Pleins de moments se montrent absurdes parce que rien n’y amène, on saute des étapes parce que le film cherche à brosser beaucoup trop de situations, alors que paradoxalement le rythme du est lent.
Ce n’est jamais vraiment prenant, et on se retrouve avec beaucoup de raccourcis et de situations caricaturales.
Le plus lourd, c’est dans l’intrigue avec la fille du politicien, dont on fait un archétype de l’élève modèle ; son père cherche à diminuer la gravité de sa prise de drogue en disant qu’elle n’a que des bonnes notes, etc.
Et littéralement du jour au lendemain, elle baise un dealer pour avoir sa dose.
Toutefois le plus gênant avec Traffic n’est pas le fond mais la forme.
Déjà, l’étalonnage, qui adopte une couleur différente selon le lieu. Du brun/jaune pour le Mexique, et du bleu pour les Etats-Unis, mais uniquement dans l’intrigue avec le politicien. Pourquoi pas, même si j’en vois nullement l’utilité, mais l’effet est carrément trop appuyé.
C’est surtout choquant avec le bleu, qui inonde toute l’image, et le contraste avec les autres plans "normaux" aux USA est déstabilisant.
Non seulement il n’y a aucune subtilité, mais c’est surtout moche.
Le pire c’est que même avec un étalonnage aussi forcé, il y a des problèmes de couleurs inégales entre deux plans.
Ajoutez à cela pas mal de surexposition aussi…
L’autre problème majeur, c’est le montage. Il y a beaucoup de jump-cuts ; j’ai cru au départ que c’était parce qu’il manquait un second angle de caméra, mais non. Même quand le montage pourrait changer d’angle, il y a une volonté de montrer des sautes d’images.
Et quand il y a à la fois un jump-cut et un changement d’angle, ça crée un faux raccord.
C’est pratiquement tout le temps comme ça, c’est un véritable cauchemar de monteur.
La seule séquence un peu travaillée en terme de montage, c’est celle de l’overdose.
Je ne vois pas quelle pouvait être l’intention de Soderbergh. C’est comme pour l’étalonnage, il fait appel à des effets sans justification. La caméra tremble, ce qui ne sert à rien non plus, si ce n’est pour être désagréable à voir.
C’est dommage car d’autres fois, la mise en scène privilégie le panoramique au cut, de sorte à mettre en lien des éléments par le mouvement de caméra. Au début, il y a ce plan qui commence sur des ouvriers qui s’avèrent plus tard être des agents sous couverture, et qui se tourne vers d’autres policiers arrivant en voiture. Un mouvement de caméra qui semblait gratuit au départ, mais qui a finalement du sens.
J’ai eu la surprise de lire que Traffic avait eu 4 oscars. Notamment pour la réalisation et le montage. Hallucinant. Il aurait juste manqué une récompense pour la meilleure photographie.