Trafic par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Monsieur Hulot a évolué dans l'échelle sociale, il exerce maintenant la profession de dessinateur automobile chez un petit constructeur "Altra". Pour notre célèbre héros l'instant est d'importance car sa nouvelle création est révolutionnaire pour l'époque puisqu'il s'agit tout simplement d'un camping-car.
Ce véhicule doit être présenté par Monsieur Hulot lui-même assisté d'une charmante public-relation américaine au "Salon de l'Auto d'Amsterdam". Ils partent donc sous la conduite d'un transporteur débrouillard et rusé pour ce salon.
Malheureusement pour eux, à quelques kilomètres du départ, les ennuis commencent. Nos protagonistes se retrouvent bloqués dans des bouchons énormes. Malgré le flegme de Monsieur Hulot, nos voyageurs au long cours pourront-ils arriver à temps à Amsterdam ? Rien n'est moins sûr...

Cette fois, c'est notre comportement et nos petites habitudes en tant qu'automobilistes que note spécialiste en camping-car se prend à observer. A la vue de cette œuvre nous ne pouvons nous apercevoir que depuis 191, année de la réalisation du film, tous les comportements "au volant" se vérifient.
On devine l'esprit de compétition des nombreux conducteurs pris dans cet embouteillage monstre avec le stress et l'énervement qui en découlent. La joie toute simple du départ en week-end et l'espoir de détente qui devrait en résulter sont alors bien loin dans les pensées des protagonistes et se trouvent ainsi balayées. De plus rien ne s'arrange sur la route car un carambolage se produit et Jacques Tati profite de cet épisode pour nous filmer un véritable ballet de passagers sortant de leurs voitures cabossées en vociférant et en gesticulant à tout va.
Pendant ce temps, Monsieur Hulot, toujours aussi philosophe et lunaire, observe les gens excités et la nature sans se soucier un moindre instant de la suite de son voyage d'affaires en Hollande.

J'émettrais pour ce film les mêmes petits reproches que pour "Playtime" à savoir qu'à mon goût le réalisateur force un peu trop longuement sur l'esprit contemplatif de cet intéressant et amusant sujet, ce qui rend certains passages malheureusement quelque peu lassants.
Néanmoins le visionnaire est toujours là avec le concept du camping-car devenu maintenant à la mode, visionnaire également sur le comportement de l'automobiliste conditionné par le chrono, voire presque plus amoureux et attentionné à sa voiture qu'à sa femme. Il se dégage, comme dans chaque film de Jacques Tati, une poésie et une tendresse au point que nous sortons de la séance presque charmés et amusés par les petits malheurs des personnages de cette histoire, malheurs qui sont pour eux presque des drames.

Jacques Tati eut beaucoup de mal à réaliser ce film, "Playtime" ayant été un échec autant auprès du public que financier et "Trafic", malheureusement, suivit le même chemin. C'est à ce moment que s'arrêtera le personnage si attachant de Monsieur Hulot.
Ainsi notre génial réalisateur, privé de moyens et incompris, ne produira plus qu'un seul film "Parade " consacré à l'amour que portait Jacques Tati pour le cirque. Il est vrai que le petit monde du cinéma ne lui fit pas trop de cadeaux car il fut, pour beaucoup, considéré comme réalisateur hors norme et solitaire.

Ce n'est qu'après sa disparition que beaucoup de ses " collègues " reconnurent enfin son génie. N'est-ce pas le lourd tribut que payent bien souvent les messagers en avance sur leur temps ?

Note: 7/10