Heroin.
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2 secondes après le logo du studio, tu vois Erwan Mc Gregor et son pote courir dans la rue, visiblement poursuivis, sur l'impayable "Lust for Life" d'Iggy Pop. Rien que là, tu sais immédiatement quel film tu vas voir : un fuyard rock'n roll. Dès cette séquence, tu sais que ça promet. Puis, la voix-off de Mc Gregor, qui arrive avec simplicité et clairvoyance à décrypter le mal-être global. Dès cet instant, j'ai su que j'allais voir un très grand film.
Je ne trouve pas qu'il a vieilli. Je trouve qu'il est très malheureux car malheureusement lucide.
Je ne trouve pas qu'il embellit la drogue. Je crois que personne n'a envie d'avoir pour hallucination un bébé mort tournant sa tête depuis le plafond (séquence incroyable).
Je ne trouve pas qu'il caricature les drogués. A quel moment le film s'est revendiqué comme étant une analyse réaliste de la psychologie des camés ? Rien que le personnage de Budy prouve le contraire.
Je ne trouve pas, surtout, qu'il ait volé son statut de film emblématique de la génération des années 90.
Il n'y a pas que sa BO qui est réussie : comment aurait-il pu en être autrement, avec 3 gars de la bande à Bowie (Lou Reed, Iggy Popp et l'inattendu Brian Eno), "Think About the Way" et Elastica ?
Il y a aussi le charme de cette bande, qui n'a pourtant rien d'amical. Ils sont même parfaitement détestables. Si on accepte de les suivre, au final, c'est pour cette étrange tolérance et cet accord tacite dans l'immoralité dans lequel Mark Renton embarque le spectateur dès son monologue, où le spectateur est obligé de se reconnaître dans ses refus. Ils sont barges, psychopathes, presque inhumains... Mais fascinants. Ils sont incarnés d'ailleurs avec brio. Sauf Sick Boy : pour moi, ce gars ne sert à rien et n'apporte rien.
Il y a cette mise en scène, hyper rock, hyper inventive, multipliant les trouvailles visuelles, les jeux avec les focales et la profondeur de champ, et ces transitions de malade entre les nœuds dramatiques du scénario.
Il y a, surtout, un "Je t'aime moi non plus" jouissif entre la Décadence et la Raison qui anime tout le film, un duel sans pitié où les excès ne peuvent pas être mis de côté. Et, malgré tout, on sombre jamais dans le drame social : on est là pour décrire le mal-être d'une génération, venue d'autres générations, et qui après celle-là amènera un autre type de mal-être dans les années 2000 plus informatique. C'est important qu'un film parle à sa génération, avec son ton, son rythme et ses codes, parce que "Trainspotting" est un véritable cri d'alarme contre les facilités du laisser-aller. Même si le propos du film n'est pas forcément au plus juste tout le temps, il est nécessaire dans le sens où le spleen moderne y est décortiqué telle une séance chez le psy, et où il explique calmement qu'il n'y aura pas d'issue dans cette vie. Mais la seule manière de vivre au mieux dans cette cage qu'est ce monde, c'est d'accepter les Difficultés. Voilà pour moi ce dont parle réellement "Trainspotting", c'est un constat très amer mais lucide.
Donc non, il n'a rien volé, et c'est un très grand film. Qui concerne toutes les générations.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films pour stopper une addiction et Les films avec les meilleures scènes d'introduction de personnages
Créée
le 17 mai 2019
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