Une fiction douteuse à l'heure de la technologie numérique.

De nos jours, le média cinématographique est clairement un thermomètre des rêves et des délires de notre société industrialisée : depuis des décennies de films, on a voulu faire passer soit par propagande, soit par lucre ou par fantaisie, des aspirations des populations, qu'elles soient des politiques, des chercheurs de tous poils, des glandeurs, des écologistes, des étudiants, des pauvres, des chrétiens puritains, des enfants, des idéalistes qui croient dur comme fer à Matrix... tous des rêveurs, quoi ! "Transcendance" est encore l'un de ces films qui sont là pour vendre du rêve.


Du rêve, je précise bien, car le propre de ces conneries de films est bien de devoir allécher sans jamais devenir réel. C'est bien ça qui fait marcher l'affaire, car il n'y aura jamais aucun danger à rêver des plus grosses âneries, si ça n'est jamais réel. Et quoi de plus puissant, à notre époque, que le rêve de la maîtrise de la machine intelligente ? C'est d'ailleurs ainsi que l'on pourrais résumer Transcendance, je pense.
Mais ce film, en réalité, est au croisement de plusieurs utopies du monde d'aujourd'hui : L'intelligence artificielle hyper-développée, l'ordinateur qui devient autonome voire incontrôlable (ça rappelle quand même beaucoup Skynet, de la série des "Terminator"), le phénomène même de singularité technologique décrit dans le film (la "transcendance", c'est-à-dire le fait qu'une intelligence artificielle puisse devenir consciente), le mythe d'internet (je précise bien, car le réseau mondial est encore devant beaucoup de développement structurel), les nano-technologies (qui sont en plein développement aujourd'hui, et pas forcément pour le bien de l'humanité) ainsi bien sûr que le vieux mythe de l'homme-machine (mmmh... "Deus Ex", "Robocop") ou la machine-homme si vous préférez (je pense à "L'Homme Bicentenaire" avec Robin Williams dans le rôle d'un robot d'appartement qui finit au bout d'une progressive évolution de 200 ans à devenir totalement humain). Libre à vous de trouver d'autres exemples, tout ça c'est pour rêver. Il n'y a aucun danger. En principe...


...Parce que moi, Transcendance me fait flipper, presque pisser dans mon froc ! Parce que je m'imagine pendant les 113 minutes du film que tout ce qui arrive serait vraiment réel ! Je reste toujours sensible quand je visionne un film à la plausibilité du scénario, et vous comprenez mieux. Des scénarios comme celui de ce film vont très loin, beaucoup trop loin, jusqu'au divin


(comme cet auditeur de meeting du début du film qui pose la question : "Alors, vous voulez créer un dieu ?" à Will Caster, le personnage principal)


et Transcendance, par certain aspects, est un film qui peut faire peur aux enfants. Il y a dans ce film un vice effroyable et traumatisant à cause de l'absence de frontière entre l'humain et la technologie numérique, quelque chose qui les mélange de manière abominable, quelque chose comme la question suivante : Si on peut, en tant qu'humain, devenir un peu machine, est-ce qu'on peut dire que les humains et les machines intelligentes doivent être considérées comme totalement la même chose ? Doit-on oublier la valeur de l'âme humaine, et entrer dans la damnation, c'est-à-dire dans une société utopique où la technologie matérielle, dans sa suffisance, remplacera le rôle social et psychologique tenu par l'esprit humain ? Et ce, même si l'amour est profondément présent dans cette histoire de cauchemar, une romance indéfectible entre un homme mourant et sa compagne


, qui devient étrangement par la suite une romance entre ce même homme converti en une entité virtuelle consciente d'elle-même et sa même compagne, un amour à la vie à la mort.


Autre aspect : Il y a dans cette fiction, comme dans toute fiction, une certaine morale qui fait office de fil conducteur dans le déroulement. Et même si, au départ du film, le personnage du Docteur Will Caster paraît tout ce qu'il y a de plus admirable et d'humain, il devient sans tarder une monstruosité, puis un grave danger, et cela empire jusqu'au final.


Cela se voit même dans le comportement des autres protagonistes du film, d'abord des amis fidèles et aimants envers Caster, puis des ennemis impitoyables.


Cette morale, c'est "Le chemin de l'enfer est pavé de bonnes intentions". Ce qui est certes déconcertant, dans un film qui vend du rêve, et pourtant c'est une recette efficace qui a le mérite de revenir dans nombre de fictions cinématographiques : le rếve soutenu par le cauchemar.
Transcendance est un film flippant, mais uniquement pour un spectateur qui cherche à analyser, pas pour le type qui voulais bêtement passer son cinoche du mois et qui est entré indifféremment dans la première salle du complexe cinématographique sans intérêt aucun. C'est un film d'aujourd'hui, avec les valeurs et les peurs des gens d'aujourd'hui. Avec les technologies d'aujourd'hui, et les fantasmes qu'elles engendrent. C'est un film qui peut faire peur comme un Matrix, mais faire aimer comme un film romantique aux relents tragiques.
Bref, c'est un film qui me fait chier. Je lui met un 4/10 et ça passe. Et vous ?

Rafikator
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le 22 juil. 2014

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Rafikator

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