Le vampire fascine le cinéma. Depuis le Nosferatu de 1922, le vampire a été servi à toutes les sauces pour satisfaire les appétits multiples des cinéphiles que nous sommes. Tantôt effrayant (Richard Grant), tantôt séduisant (Brad Pitt) ou dépressif (Tom Hiddleston), il est présent jusque dans le désir naissant des adolescents (Robert...). Ce succès n'est pas seulement dû à la fascination vouée à cet être immortel fantasmé. Un vampire est un artifice utile pour tout conteur, écrivain ou scénariste souhaitant transmettre un sous-message à son public. Et c'est bien le cas pour Transfiguration, qui fait de la vampirisation un témoin de l'état psychologique de Milo.



Faux film d'horreur, vraie mise en scène



Dans Transfiguration, la nature vampirique du personnage sert habilement à traiter le thème principal du film : le deuil. À mon sens il serait erroné de présenter Transfiguration comme un drame horrifique. Non, ce n'est pas parce qu'on peut y apercevoir un adolescent boire le sang d'humains encore frétillants que l'on bascule dans l'horreur. Le film ne montre que peu d'image de ce type, et tout au plus c'est le seul traitement du son qui instigue un semblant de "malaise horrifié" chez le spectateur (personnes sensibles aux bruits de succion s'abstenir), malaise appuyé par le bourdonnement assourdissant qui traduit l'état second d'un Milo pourtant en apparence plein de sang froid. En bref, si vous cherchez un film d'horreur, passez votre chemin. Transfiguration est un drame social qui vous place aux côtés de Milo, orphelin de 14 ans vivant avec son frère ainé Louis, ex membre de gang repenti désormais glué au canapé d'un bien triste salon du Queens. Le film, façon documentaire, s'immisce dans l'intimité de ces habitants ostracisés du Queens, dont les seuls "étrangers" semblent être policiers ou jeunes aisés à la recherche de drogue. À l'image de Louis, il semble que parmi ces populations marginalisées, un jeune homme à l'aube de sa vie ait le choix entre la criminalité ou la passivité. "Get rich or die tryin" vs la fusion humain-canapé, en somme. Milo fait alors figure d'OVNI puisque lui a choisi la troisième voie : devenir un vampire. Pourquoi pas.


La mise en scène de Michael O`Shea sert parfaitement ce propos social. Souvent caméra à l'épaule, il nous entraine dans les entrailles de son New-York aux côtés de Milo. De ce point de vue, l'immersion fonctionne. Le travail sur les cadrages est également a souligné. À l'image d'une société qui se souci peu d'un orphelin issu de la minorité, Milo est souvent cantonné à un coin du cadre. Et lorsqu'il investi le centre de l'écran, ce n'est que lors de plan très larges utilisés pour mieux montrer son isolement.



Une histoire de deuil



Au-delà du message social dont le film se veut le vecteur, c'est bien le deuil qui constitue le coeur du film. Après avoir perdu son père alors qu'il ne portait que des couches, son enfance est marquée par le suicide de sa mère dans l'appartement familial. De quoi rendre psychologiquement instable un enfant de son âge. C'est pour cela que Milo s'est enveloppé dans un cocon vampirique. Tout chez lui n'est que vampire. Des dessins aux posters en passant par l'impressionnante collection de VHS, tout le prédestinait à franchir le pas et à devenir vampire. Si pour lui la carapace vampirique est synonyme de force et d'indépendance, elle traduit un vrai trouble psychique et un besoin de protection contre le monde réel qui lui a pris jusqu'à ses parents. Dès lors, peu importe que tous les habitants de son quartier le traitent de "freak", lui le sait : il est un vampire. Et un vampire ne peut pas mourir. Un vampire est au dessus des basses considérations humaines. Surtout, "un vampire ne peut pas se suicider". Comme s'il avait construit cette armure imaginaire pour éviter un destin héréditaire qui lui tendrait les bras. C'est donc du haut de ses 14 ans et seul au monde que Milo doit faire face à l'absence d'une mère qui l'obsède. Même l'arrivée de la jeune Sophie dans son immeuble ne changera pas grand chose à un processus d'évitement de la réalité profondément encré en lui.



Un gros problème de rythme



Transfiguration a beau être plein de bonnes intentions, cela n'en fait pas pour autant un "bon film". La faute, avant tout, à un énorme problème de rythme. QU'EST-CE QUE C'EST LONG pour un film d'une heure et demie ! Bien étendu, on ne compte plus les films lents devant lesquels on ne s'ennuie pas une seconde. Mais ce n'est pas le cas de Transfiguration devant lequel ennui et bâillements s'alternaient trop souvent. Cela est à mon sens notamment dû au fait qu'il n'y a finalement presqu'aucune évolution des personnages.


Le film s'ouvre sur Milo se délectant du sang d'un homme, et ces agressions continueront tout au long du film à intervalle régulier. Peut être que cette redondance est voulue et est sensée montrer la routine inévitable dans laquelle s'est lancé Milo pris dans son propre piège. Mais cela pénalise le rythme du film, l'intérêt qu'on y porte et favorise le sentiment qu'un court-métrage aurait pu être plus puissant que cette heure et demie. Alors même que Sophie aurait pu bouleverser la vie de Milo, elle ne semble finalement ne pas changer le rapport son rapport ambivalent à la vie et à la mort. Elle n'aura été qu'une courte bouffée d'oxygène sur le chemin tout tracé dans lequel Milo avançait depuis longtemps.


Alors oui, cela fait plaisir de voir que le cinéma indépendant américain survit et arrive jusque dans nos salles. Mais Transfiguration n'est in fine rien de plus qu'un film moyen, peut être inabouti, mais intéressant pour son sous-texte. A découvrir par temps de pluie !

FrancoisBourdeau
6

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le 31 déc. 2017

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Francois Brd

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