Coquille vide
J'ai beau tourner ça dans tous les sens, tentant vainement de m'accrocher au minimum d'affection que je lui porte, je ne parviens pas à définir Transfiguration autrement que comme une coquille vide...
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le 31 oct. 2016
8 j'aime
En me rendant à la séance de Transfiguration, je ne savais pas du tout à quoi m'attendre. J'avais juste lu sur l'affiche se trouvant au-dessus de la porte menant à la salle : Une histoire de vampire (d'amour) réaliste. Comme le film se trouve au MK2 Beaubourg, je me doute que ce n'est pas une oeuvre grand public. D'ailleurs tout les sièges sont disponibles, je peux même prendre le temps de choisir ma place, un luxe dont je ne vais pas me priver, avant que quelques personnes ne daignent me rejoindre pour cette séance particulière.
Dès la première scène, le malaise est perceptible. Nous sommes dans des toilettes publiques, un homme se trouve devant un urinoir et entend des bruits de succion. Ce son est à l'origine de notre malaise. Il va s’arrêter devant la porte d'ou proviennent ces bruits, jeter un œil en-dessous et constater la présence de deux personnes à l'intérieur. Il part, mais nous restons dans ce lieu pour découvrir qu'un adolescent vient de boire le sang de sa victime. Nous sommes bien dans un film de vampires, du moins en apparence.
Le premier long-métrage de Michael O'Shea, nous propose une énième variation sur le thème du vampire. Il a l'apparence de Milo (Eric Ruffin), un adolescent solitaire. Son profil psychologique est rapidement dessiné à travers une brève conversation avec sa psychologue, un affrontement avec d'autres adolescents, les moqueries des jeunes hommes traînant en bas des tours, la découverte de sa chambre et de ses loisirs. Il vit dans la pénombre, regarde des vidéos morbides, des films de vampires et rédige une sorte de guide du parfait vampire. Il vit avec son grand-frère qui ne quitte pratiquement pas le canapé, les yeux perdus dans le téléviseur. Milo n'a pas d'amis et n'en veut pas, jusqu'à ce qu'il fasse la rencontre de Sophie (Chloe Levine). Elle vient d'aménager chez son grand-père qui vit dans le même bâtiment. Ils vont s'attacher l'un à l'autre et s'accepter malgré leurs fêlures psychologiques.
La romance était inévitable entre ces deux écorchés vifs. La vie ne leur a pas fait de cadeaux. Il est devenu un vampire suite à un choc émotionnel. Elle se scarifie pour soulager sa douleur. Ils sont liés par la même fascination pour le sang. Milo s'ouvre à elle, mais dans un premier temps, Sophie prend peur et s'enfuit. Un simple contretemps dans une liaison non conventionnelle pour deux êtres pas comme les autres. On s'attache à ses deux adolescents, à leurs avis divergents sur les bons films ou séries de vampires : elle vante les mérites de Twilight et True Blood, il se réfère à Nosferatu, Les Frontières de l'aube et Morse, auquel le film fait rapidement penser. Leurs conversations ressemblent à celles de la plupart des autres adolescents, ils ont juste des sujets différents. Ils ont trouvé un équilibre à travers leur relation, cela va peut-être leur permettre de survivre main dans la main.
Ce n'est pas évident d'être en empathie pour Milo et pourtant; le film réussit à nous le rendre sympathique malgré la violence de ses actes. On va découvrir son passé et comprendre d'ou lui vient ce besoin de vampiriser ses proies. On peut le comprendre, mais on ne peut pas cautionner ses agissements. Cette ambiguïté à son encontre est dérangeante, nous sommes face à un serial-killer et pourtant, on veut le voir s'en sortir grâce à l'amour. Cela semble naïf, mais à travers le portrait de cet adolescent traumatisé durant son enfance, on perçoit une lueur d'espoir et on a envie qu'il s'en rapproche pour s'éloigner de l'obscurité de son esprit. Cette main tendue est inattendue, elle chamboule son univers et va remettre en question ses désirs et pulsions morbides.
C'est un film troublant, séduisant, dérangeant et envoûtant. On est souvent bousculé dans nos convictions face à ses actes. On sait qui est Milo, mais on a du mal à l'accepter. Cet attachement à son encontre n'est pas conventionnel, comme cette romance et ce film. Michael O'Shea sort des sentiers battus en insérant le film de genre au sein d'un réalisme social se dessinant dans les pas de l'adolescent s'accrochant à sa condition de vampire pour ne pas perdre goût à la vie. C'est contradictoire, mais cette ambivalence est dans la nature même de l'être humain. Ce qui est désigné comme différent par les gens soi-disant bien pensant et souvent rejeté. On ne prend pas la peine de comprendre, on juge, point. A l'ère des réseaux sociaux et de l'information 24h/24h, tout va trop vite. On ne prend pas de recul, on n'analyse plus et on se laisse emporter par la foule. Ce n'est pas évident de rester sur le bas-côté, d'observer et de se faire son propre avis. En cela, Transfiguration dresse le portrait d'un monstre sympathique, deux mots qui ne peuvent cohabiter ensemble et pourtant.....
C'est une belle découverte, de celle qui marque l'esprit en me sortant de ma zone de confort. C'est beau et tragique, violent et tendre, sombre et lumineux, bref c'est une foule de sentiments contradictoires et donc profondément humain, avec deux jeunes acteurs formidables Eric Ruffin et Chloe Levine. Un premier film réussi de Michael O'Shea, un réalisateur à suivre.
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Créée
le 28 juil. 2017
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