Inattendue réanimation
Un souffle inattendu ranime les géants d’acier. Visuellement, la direction artistique envoûte, l’animation est fluide et l'action chorégraphiée. Malgré cette habileté, bien que le narration soit...
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le 1 nov. 2024
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Au cours de son passage au cinéma, la licence Transformers a très vite montré ses limites. Si les cinq tentatives de Bay n’avaient déjà pas eu raison des spectateurs les plus tenaces et remplis d’espoir, les scénaristes qui ne savaient plus quoi faire pour faire avancer la saga principale tout en garantissant un certain succès au box-office ont décidé d’avancer à reculons pour des résultats… disons moyens, pour être gentil, et carrément décevants d’un point de vue commercial. Une sacrée déroute quand on s’aperçoit que ces spin-off trahissent jusqu’à même leurs origines forgées par Bay pour capitaliser sur des ersatz spielberguiens sans magie. On pense d’abord à Bumblebee, un E.T avec la taille et la taule du Géant de fer, trop simple et attendu pour marquer durablement en pur blockbuster et produit standardisé de son époque, qui hurle des sons de chansons pop à chaque training montage clipesque. Et plus récemment, c’était au tour de Transformers : Rise of the Beast d’entacher toute l’œuvre du grand maître en piochant ici et là dans les séquences de ses chef-d’œuvre tout en citant des calques plus contemporains. Bilan des courses, on accouche d’un film d’aventure qui mélange principalement Indiana Jones et Jurassic Parc mais qui copie bêtement l’imagerie de Uncharted (y a qu’à regarder les sapes de Anthony Ramos au cours du récit pour comprendre) et celle de Jurassic World. Donc quand même citer tes modèles tu sais pas faire, c’est que t’as touché le fond… ah non, toucher le fond, c’est plus quand t’es tellement désespéré que tu en viens à émettre l’idée d’un crossover bancal dans une scène post-générique en voulant réunir Transformers et G.I. Joe, deux licences d’Hasbro. Ouais, là, c’est vraiment la cata.
Donc bon, fort de cet aveu d’échec, on creuse encore et une idée un peu singulière germe enfin : et si on racontait pour la première fois sur grand écran… le Commencement ? Bah oui, à force de remonter dans le temps, prequels après prequels, c’était la suite logique. Mais attention, on va pas se casser la gueule avec du live-action sauce blockbuster aux effets spéciaux immondes, ce à quoi carbure malheureusement l’industrie en 2024. Non. On va le faire en animation ! Vous savez, depuis Spider-Man into the Spider-Verse, l’animation c’est une mine d’or, un cache misère imbattable ! Regardez, Dreamworks l’a bien compris avec Les Bad Guys, Le Chat-Potté 2 et Le Robot Sauvage, il suffit d’avoir une direction artistique aussi originale que soignée et le tour est joué. Voilà, on a nos bases : ne plus réitérer les erreurs du passé, s’émanciper d’une forme et d’une formule qui ne fonctionnera jamais plus aussi bien depuis Bay pour surfer sur la seule mode qui paye, raconter les origines, et engager à la réalisation le mec qu’a fait Toy Story 4 donc Josh Cooley, qui a du relancer une saga à priori terminée, à bout de souffle (tiens ça vous rappelle rien ?). Avec toutes ces armes à nos côtés, qu’est-ce qui peut mal tourner ?
Bah pas grand chose, si ce n’est que la démarche peut sembler opportuniste. Mais en fait non, ce Transformers : Le Commencement a tout pour lui, à commencer par une sincérité désarmante.
Parce qu’il faut se rendre compte que Transformers, à la base, c’est pas juste des robots voitures qui se foutent sur la tronche, et ce, même si c’est ce qui ressort le plus de ce que l’on a pu voir de la franchise au cinéma jusqu’à aujourd’hui. C’est des robots qui se transforment en voiture. Plus lentement peut-être ? Trans-forment. On a donc enfin un long-métrage qui embrasse les intentions derrière sa mythologie en mettant l’accent dessus puisque sur Cybertron, à l’origine, avant la guerre qui opposera les Autobots et les Decepticons, la classe ouvrière qui compose la majorité de ses habitants ne peut pas se transformer et n’est rien de plus qu’une main-d’œuvre qui produit de la matière première pour le confort de quelques élus adulés qui eux, savent se métamorphoser.
Et Orion Pax et son ami D-16, qui deviendront plus tard Optimus Prime et Megatron, vont s’émanciper de leur simple condition dictée par leur hiérarchie conservatrice, jusqu’à remettre en question tout ce système en s’aventurant à la surface. Une ascension plurielle qui passe par la libertité identitaire, par le fait de se définir soi-même, s’accepter et s’assumer. La structure de ce déploiement est certes classique, certes attendue dans un film d’animation, mais c’est un vent de fraîcheur dans une licence qui se décide à enfin raconter quelque chose, jusqu’à s’assumer elle-même après tout ce temps passé à se voiler la face.
Mais cette simplicité inhérente, elle est avant tout d’une efficacité redoutable. C’est tout d’abord un plaisir de voir un casting vocal aussi solide pour incarner ces personnages. Chris Hemsworth pour Optimus, Brian Tyree Henry pour Megatron, Scarlett Johansson pour Elita-1, Keegan-Michael Key pour Bumblebee mais aussi Jon Hamm, Steve Buscemi ou encore Laurence Fishburne, tous sont dévoués à donner corps et crédibilité à cet univers… et ça marche.
D’autant plus que leurs prestations doivent s’adapter aux joies de l’animation familiale, avec toutes les perturbations comiques à la Marvel distillées dans la tragédie qui se dessine à l’horizon, à savoir au hasard celle où Optimus et Megatron sont plus potes et livrent une guerre sans fin. Et à ce petit jeu d’équilibriste, c’est encore un franc succès. La mise en scène, allant de pair avec l’énergie des acteurs, permet des élans comiques inespérés dont les meilleurs moments sont déjà déclinés en mèmes sur les réseaux sociaux, c’est dire l’ampleur du phénomène.
Mais comme on le disait, le drame ne perd jamais en intensité. Bien au contraire, attaché aux personnages, le spectateur voit une fissure s’élargir minute après minute, inexorablement et ce, quand bien même les personnages s’efforcent à la refermer tant bien que mal. De là, difficile de ne pas être touché par la fatalité de la situation, jusqu’à un climax spectaculaire dans tous les sens du terme, encore une fois attendu, mais riche en émotions. Un peu à la manière du Robot Sauvage sorti deux semaines plus tôt sur le territoire français, c’est vu et revu, mais c’est façonné avec un savoir-faire et une sensibilité qui emporte malgré la redite.
Transformers : Le Commencent arrive donc sans grand mal à s’imprégner de la tendance qui germe dans le film d’animation et le fait avec une sincérité touchante. S’il y avait bien une licence qui était faite pour s’assumer à ce moment-là, c’était bien elle. En résulte un beau coming-out.
Créée
le 9 nov. 2024
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