Ce film de Kaneto Shindo (réalisateur d’Onibaba et de L’Île nue), sorti en 1986, n’a à peu près rien en commun avec les films japonais qui paraissaient à cette époque. Il est en noir et blanc, évoque la vie dans le Japon rural d’avant-guerre et utilise moult retours en arrière dans sa narration, laquelle adopte le point de vue d’un homme âgé se remémorant sa jeunesse dans une famille d’agriculteurs aisés.
Tree Without Leaves est un film un peu bâtard, en cela qu’il n’est ni tout à fait un drame social, à la manière de Nuages d’été de Naruse, par exemple, ni une proposition cinématographique concrète, comme son montage et son goût pour l’économie parolière semblerait le catégoriser. Le film est en effet peu bavard (un très bon point), et offre quelques séquences d’une poésie humble et authentique, comme lors de cette escapade en famille à la mer. De jolis moments embellis par une mise en scène sérieuse et académique.
À plusieurs reprises, il m’a semblé être en face d’un film sorti en 1966, lorsque la Nouvelle Vague japonaise expérimentait sur les possibilités du récit au cinéma, éclatant sans vergogne la trame narrative afin de produire un artefact atypique d’un point de vue plastique. Shindo était indéniablement un classique dans l’âme (L’Île nue le montre bien, sous ses airs de film-OVNI), sans pour autant maîtriser à la perfection des codes que d’autres réalisateurs tels Ozu ou Naruse avaient fait leurs, comme un second langage.
Le gros creux de la moitié du film en termes de rythme l’illustre bien : la tension dramatique est plutôt mal gérée, et les phases dans le présent eussent méritées davantage de contextualisation au début afin d’introduire cette longue rétrospection. L’écriture des personnages, hormis la mère, peine un peu à nous les rendre un minimum attachant à travers le regard du narrateur jeune. Le père en particulier intrigue par son allure caricaturale, sorte de colosse dépourvu de toute émotion, impassible jusqu’au bout face au délitement de sa famille. Les ressorts de la dramatisation s’émoussent peu à peu jusqu’à rendre la fin assez décevante.
Tree Without Leaves n’en demeure pas moins un film correct, pas très long, et comme à rebours de toute une époque à laquelle il semble parfaitement étranger aussi bien dans la forme que dans le fond. Une curiosité.