Dunes, caillasses, buissons asséchés et plaines sableuses à perte de vue, image poussiéreuse, monde désolé aux vagues reliefs post-apocalyptiques où quelques rares gardiens se dressent vers le ciel brûlant sous la forme de pylônes efflanqués, Tremors synthétise à lui seul toute mon enfance d’errance en vidéo-club. On y trouve un désert qui tartine sa poussière jusque dans vos naseaux, des monstres d’une splendeur mécanique sans égale, vomissant leurs tentacules baladeuses en quête d’un goûter, et un duo de héros à faire ployer d’admiration les meilleurs buddy-movies, et c’est toute ma culture cinématographique, dans tout ce qu’elle a de modeste et de fournie en bestioles et mondes de l’imaginaire qui remercie ce film comme porte étendard d’un genre tout entier, qu’il représente et dépasse sans peine.
Mon affection pour Tremors ne connaît pas de limites, elle déborde de partout, envahit tout, inonde tout et empêche mon esprit critique, pourtant si mesuré d’ordinaire, d’offrir ici une quelconque parcimonie. Tremors, c’est l’ode à la débrouille, à la générosité, à la naissance d’une créativité passionnée. L’histoire, et bien que nous ne doutions pas une seconde que tout un chacun la connaisse, tant l’affiche seule du film suffit à la résumer, dépeint une bourgade paumée prise d’assaut par une meute de vers géants. C’est d’une beauté simple, d’une évidence presque poétique et, trêve de plaisanterie, une ossature parfaitement adéquate pour poser les jalons d’un monument de terreur animale. Tour à tour drôle, flippant, jouissif, Tremors est l’une des rares comédies horrifiques qui ne s’enlise à aucun moment dans l'auto-parodie salvatrice, assumant de bout en bout son postulat de départ et remuant ciel de plomb et mer de sable pour arriver à modeler ses idées évadées d'un esprit fabuleusement dégénéré.
Parce-que c’est précisément ce qui fait de Tremors un petit chef d’oeuvre en son genre. Cette folie dévouée à ses images, ce boulot d’artisan dans la démonstration d’un amour patenté pour l’ouvrage accompli. C’est un réalisateur qui veut dur comme fer nous raconter son histoire de vers à bec, et qui ne s’occupe d’aucun autre objectif embarrassant. Préhistoriques ? Radioactifs ? La nature d’une telle engeance, lombrics de 10 mètres fonçant sous terre, Moby-Dick des sables emportant voitures et troupeaux sous la surface, le film se passe bien de nous l’exposer. La force est ailleurs, brutale, jouissive, une force évocatrice enracinée dans un sens de la suggestion et de la montée en tension pas loin d’une certaine virtuosité, le tout couplé à cet humour jovial, ces personnages fendus à la serpe, ces décors au doux parfum d’asphalte fondu, ces marionnette fabuleuses, ce rythme limpide et cette grande modestie, simplicité implacable qui propulse le film comme l'aboutissement d'un style. Tremors, divinement avachi sur sa montagne inspirée, sommet de générosité qui n’a, à ce jour, que très rarement trouvé concurrence, est un modèle, le patron du survival avec le sourire, ingénieux et sincère, ne se perdant jamais dans la farce, ferme sur sa lancée à la croisé du huis-clos, du film de monstre, du buddy-movie, genres engloutis, emportés dans l’abîme, savamment digérés et régurgités avec grâce et alchimie devant des yeux rendus voraces.
J’avais déjà écrit un truc sur ce film, et puis je l’ai remplacé. Tremors c’est aussi ce film dont on aimerait parler souvent, qui témoigne d’une réelle affection pour son genre et qui ouvre les portes d’une euphorie parfaitement partagée. C’est un travail finement ciselé, jamais honteux et clairement amoureux du genre qu’il honore et transcende. C’est une histoire de larves géantes, avec des gros becs, ces graboïds ingrats et matérialisés dans une astuce telle qu’ils semblent parfaitement réels, qui avalent tout c'qui passe sous leur mufle osseux, c’est Kevin Bacon et Fred Ward, un des meilleurs duos du monde croyez-moi bien, c’est des tonnes de caoutchouc, des hectares de poudre aride, des dizaines de flingues, des chèvres, du saut à la perche, du pierre-feuille-ciseaux et un océan de générosité dévouée.