Adaptée du manga de Yasuhiro Nightow, la version animée de Madhouse sortie en 1998 avait marqué les esprits, malgré une technique en retrait. Dans un monde post-apocalyptique, entre le Western et le Steampunk, les téléspectateurs avaient fait la connaissance de Vash the Stampede, recherché par tous les chasseurs de primes, objet de nombreuses rumeurs sur. Sauf que Vash a beau être un tireur d’élite, c’est aussi un homme plein d’esprit, décontracté et amusé, qui refuse la violence gratuite et encore plus de tuer. Progressivement la série va en dévoiler plus sur le charismatique homme et son emblématique manteau de cuir rouge pour lui apporter de nouvelles nuances.
La série avait conquis le coeur de quelques fans, malgré une animation assez rudimentaire, sans trop d’éclats, loin des cadors d’une décennie riche en bons élèves.
Dix ans après, l’univers de Yasuhiro Nightow prend à nouveau vie, toujours avec Madhouse aux commandes, mais cette fois pour un long métrage animé. Cette décennie fut un véritable âge d’or pour le studio, riche en réussites visuelles et animées pour le studio, avec ses collaborations avec Satoshi Kon (Perfect Blue, Millenium Actress, Tokyo Grandfathers, Paprika), Rintaro (Metropolis) ou Mamoru Hosada (La Traversée du temps, Summer Wars), il n’est donc pas surprenant de constater que le film consacré à Vash lui redonne un nouvel éclat.
L’adaptation reprend les personnages vus dans la série, et même l’un des plus charismatiques, pourtant disparu à un moment charnière du show. Le film s’intercale entre ces épisodes ou propose une nouvelle chronologie, peu importe. Vash the Stampede est bien présent, toujours à s’intercaler dans les bagarres, ne sortant ses célèbres armes, de magnifiques revolvers chromés qu’au dernier moment. Comme d’autres mercenaires, il se rend à Macca City, ville florissante, mais en pleine effervescence. Le bandit Gasback, massif pirate des sables, accompagné de sa troupe, a laissé courir le bruit qu’il allait s’attaquer à la ville. Son maire, Cain, est un ancien allié de Gasback qui l’avait trahi il y a 20 ans, il est persuadé que son ancien chef veut se venger. A l’époque cela n’avait pas fini en bain de sang grâce à l’intervention de Vash. Les deux charmantes mais dégourdies Meryl et Millie, agentes d’assurance, ont été sommées de se rendre dans la ville pour la protéger d’une attaque, y retrouver Vash qui entraîne malgré lui la destruction n’est pas pour les rassurer. Nicholas D. Wolfwood, le prêtre qui se bat avec une croix armée, discret et distant, n’est pas encore du côté du trublion en cuir rouge, car il a une dette auprès de Gasback.
Une nouvelle protagoniste est de la partie, la pistolero Amelia, liée elle aussi au bandit, mais qui en veut à sa tête et même à celui qui l’a laissé partir il y a 20 ans. Elle ne goutte guère à la compagnie de Vash, alors qu’elle ne sait pas encore qui il est, à lui tourner autour et à faire le pitre, mais apprendra à mieux le connaître, et surtout à respecter ses engagements moraux.
Les développements de la série autour de Millions Knives et du passé de Vash sont complètement absents, pour revenir vers l'esprit fun des premiers épisodes. Badlands Rumble propose ainsi une histoire autonome, qui mise sur un divertissement simple mais efficace. L’animé profite de ses personnages hauts en couleurs, et les nouvelles recrues comme Amelia ou Gasback s’intègrent parfaitement, chacun avec sa personnalité mais aussi ses quelques petits secrets, dévoilés progressivement. Une fois encore, l’adaptation profite de ses personnages avec suffisamment de sel et de caractères pour se démarquer, même si le film a parfois un peu la main lourde sur les pitreries de Vash.
Mais quand la poudre parle, le film se révèle encore plus réjouissant, riche en scènes d’action qui ne manquent pas de peps. La course poursuite contre Gasback, scène homérique, n’est pas sans rappeller Mad Max Fury Road, avec ce déluge de véhicules dans ce cadre désertique.
Madhouse a mis les moyens pour le retour attendu de Trigun, et cela se ressent. Ce cadre de western pop’ et post-apo’ n’a jamais été aussi bien mis en valeur, la ville de Macca City regorge de ruelles, de figurants, mais aussi de lieux clés comme la centrale électrique locale mais surtout cette imposante statue à l’effigie du maire, cible évidente. La grosse bourgade est ainsi un personnage comme un autre, pressentie pour être assaillie, comme dans un bon vieux western.
La réalisation mélange animation traditionnelle et effets numériques, mais le tout est parfaitement marié. Le film peut ainsi offrir des scènes parfois impressionnantes, tandis qu’il bénéficie aussi d’un soin évident dans la composition des plans, renforçant l’impact de certaines scènes, se permettant même quelques timides idées. Badlands Rumble n’est pas de la plus grande audace esthétique, mais ce qu’il offre il le propose de manière respectueuse et travaillée.
Le film n’est ainsi pas d’une grande prétention, n’a rien à dire de plus que sa trame, mais c’est aussi ce qui en fait sa force : une histoire rythmée au ton amusé, riche de ses personnages suffisamment éclatants. L’adaptation offre aussi un nouvel écrin à l’univers de Yasuhiro Nightow, avec une technique et une animation travaillées, une réalisation aboutie. Malgré le sable du désert, ce Trigun en long-métrage animé (hélas le dernier en date) est frais comme tout.