Sacrifices de poulet
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Ça va chipoter, c’est sûr. Ça va trouver ça trop violent, trop bête, trop stylé, trop déjà vu. Ça va chipoter et passer tout près d’un bon polar sombre comme les Enfers dans la nuit noire. Et puis y’a de la gueule, y’a du casting, y’a du lourd. Certes, chacun dans son registre, chacun dans un rôle attendu, mais ce serait faire la fine bouche quand on a une horde de gueules comme ça qui fait son boulot, et qui le fait bien. Celle qui étonne le plus, c’est Kate Winslet, magistrale en reine mafieuse impitoyable à la tête d’un univers de mâles roulant des muscles et de la gâchette. Dommage alors, mille fois dommage que son grand numéro de diva implacable soit ramené à une dizaine de minutes à tout casser sur presque deux heures de métrage.
Si le scénario de Matt Cook ne propose rien de vraiment nouveau dans le thriller à la testostérone et le braquage furieusement armé, c’est surtout dans sa noirceur abyssale que le film surprend (et subjugue, in fine). C’est principalement le cas dans cette vision d’une Amérique passée du côté obscur, terrifiante, déglinguée, une Amérique de fin du monde (le panneau «Zombies ahead» entraperçu à un moment est là pour confirmer la chose) hantée par des ripoux, des camés, des paumés, des tapins, des gangs, des malfrats et, au top de la chaîne alimentaire, la mafia russo-israélienne dirigée par une Gorgone majestueuse en mal de son cher et tendre qui croupi dans un goulag.
Atlanta y est vue comme une cour des miracles laissée à l’abandon, livrée à elle-même, quasi déserte, symbole d’un pays en pleine décrépitude morale et sociale (restes de dimension politisée à la Cogan - Killing them softly) en ligne directe avec Detroit et Cie. John Hillcoat filme sec et nerveux, sans gras, à l’essentiel. Rien qui dépasse, mais rien d’original non plus (notamment dans la caractérisation des personnages), sinon une capacité à mettre en scène non pas des scènes d’action en milieu urbain qui ne révolutionneront pas le genre, mais davantage les zones en creux, les flottements, les bas-côtés, et un nihilisme suintant qui colle aux basques et aux visages.
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le 18 mars 2016
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