Emmanuel Mouret est un cinéaste très facile à appréhender : ceux qui l’aiment le retrouveront avec plaisir, ceux qui détestent ses manières (franco français, très littéraire, en boucle sur les mêmes thématiques) n’auront pas à se fatiguer à lui redonner sa chance.
Trois amies reprend donc la formule de ses précédents opus : un casting de prestige, ici décliné en trois couples à géométrie variable, qui convoque un fidèle (Vincent Macaigne) et en invite de nouveaux (Camille Cottin, India Hair, Sara Forestier, Ludig, Bonnard…) pour une nouvelle variation sur les sempiternels marivaudages.
On pourrait, dans l’exposition, sentir une certaine langueur, voire un pilotage automatique des motifs : il faut prendre ses marques et se mettre au diapason des personnages, qui vont, comme toujours chez Mouret, se déployer sur un temps long. Les deux heures, tout à fait justifiées, vont effectivement mettre à l’épreuve des caractères voués à se confronter à la rupture, la perte, la redécouverte. A l’image de ces nombreuses séquences cadrées sur des paliers ou dans des embrasures, Mouret place ses personnages sur des seuils, capture leurs atermoiements et accompagne leurs élans.
Les comédiennes, comme toujours magnifiées par l’écriture, vont ainsi illustrer tout le spectre amoureux, à ceci près que la progression du récit ne s’enlisera jamais dans la mièvrerie de la comédie romantique. La finesse d’écriture de Mouret tient aussi à cette permanence, en sourdine, de la cruauté, et sa manière de déjouer bien des poncifs par des développements inattendus : une histoire qui n’advient pas, un développement qui achoppe, des coups de foudre qui se noient. Dans cette histoire de deuil et de résilience, les échanges les plus constructifs se feront avec un fantôme, et le frimas des arbres dans la brise sera la plus belle illustration de « L’heureuse complexité » à laquelle un des personnages aura consacré un livre entier. L’amour de Mouret pour ses personnages et ses comédiens ne peut s’épanouir que dans ce traitement complexe, où la prise de conscience d’être vivant passe autant par le sentiment amoureux que l’inquiétude de faire fausse route. De quoi écrire et donner à voir encore bien des itinéraires pour le cinéaste.
(7.5/10)